CHR
un g(and fe!lin entre onze heures
&
minuit , en di·
fant aux quatre genrilshommes qui l'accompagnoient,
mon role dl joue ' partons '
je ne '!:em< poi111 voir re–
g11er un a11tre dam des lieux ou
j'
itois fouveraiile.
Arretons.nous un moment
a
cette epoque la plus ce–
lebrc de la vie de notre hero"ine; parmi ceux qui one
gouverne les hommes, on en compte plufieurs qui one
renonce
a
la fouveraine puilfonce. Sylla chez Jes Ro–
mains par orgueil ,
Charles-~1int
chcz Jes EfpagAols
par foiblelfe, Vidor.Amedee tn Savoye, par caprice.
one donne
a
l'univers le fpeCl.acle d'un fouverain qui
veut celfer de
l'ctre ; mais
Chrijline
ell:
la (eule qui
s'y foit determrnee par un motif honorable aux yeux
de
la
raifon , s'il tfl: vrai cependant qu'il foit per•
mis
a
un fo[1vtrain de facrifier (es
fojets qu'il rend
heureux , au ddir
Ii
naturd de l'etre foi-mclme.
JI
n'efb
p~ut·c!tre
pas inutik de remarquer que tous ceux quf
fc font decides
a
cetle demarche par des motifs
Ii
dif–
·ferens' (c font tolls reunis dans le repentir qu'ils ont
cu de l'avoir fait. L a reponfe de Sylla, qui au mo–
ment qu'il le depouilloit de la didature, fut
outrag~
par un 'Plebe"ien , les foupirs de Charles-Q.!:1int devenu
ridicule
&
vii clans le fond d'un cloltre; Jes regrets
du vieux Vidor dffdpere de n'avoir plus de couron·
ne
a
prffe nter
a
fa
maitrelfe ; Jes regards que
Chri·
Pine
lailfa quelquefois echapper vers
le
crone de .Suede,
tout femble avercir. le philofophe de tenir en referve,
l'admiracion qu'il ell: tente de prodiguer
a·
des adions
qui, fu blimes en apparence, ne font fouvent que des
faillies de caractere que le rcpentir clement.
Libre enfin des prejuges de fon age , de fon fexe
&
de fon rang ,
Chri.ftine
voyageoit clans !es etats voi–
fin~
de ceux qu'elle venoit d'abandonner, recueillant fans
emotion, fur fon paffage ' les eloges
&
Jes cenfures
qu'on faifoit de fon abdication:
m011tran1 fur cela ,
dit
M. d'Alembert,
1111e pbilofophiefupiriettre
1l
celle 111e111e qui
/'avoit portee
a
cette nbdicaiio11.
Chrijli11e
decidee
a
fixer fon {ejour en Italic , le cen–
tre des arts
&
par confequent celui du bonhcur pour
cctte rcine fyavance' fongeoit
a
abjurer le prordtan–
tiline , dans l'efperance de trouver. aupres clu Pape le
focours qu'elle previt que la Suede
lui refoferoit un
jour. Les J efuites qui s'etoient empares de la conver–
fion de
c~tte
princeffe,
triomphoient • comme
Ii
fon
fuffrage eCit ajoute bi:aucoup aux demon<l:rations de la
verite de notre religion ; les protefl:ans Suedois etoient
conl\eroes , comn'le
Ii
affifl:ant
a
la_ melfe
a
deux cens
licues de fon pays ' la reine alloic renverfcr le• royau–
me :
&
Chrijlil1e
en abjurant
a
Bruxdles, fourioit de
la joie des uns
&
de la doulcur des autres.
Le cardinal M azarin la fit complimeAter •
&-
fans
doute pour ne point effaroucher la devotion na.ilTantc
de la prince!fe, fit partir pour B ruxdks des troupes
de comedicns Fran¥ois
&
l taliens. Les fell.ins , les bals,
les parties de cha!fe ' le;; tournois ' rien ne
fot
epar–
gne. E.lle ne craignit point de fe livrer
a
toute la dif–
fi pation des feces les plus cumultueufes , croyant peut–
ecre qu'une conduite plus fevere eut ece un refl:e du
protell:antifme auq1.1el elle venoit
fi
folcmriellemenc de
renoncer. Elle prolongca fon fejour
a
Bruxelles , clans
l'efperance d'cntretcnir le grand Conde ,
le feul hom–
me de l'Europc, qui par l'eclat de
fa
reputation fU t
digne alors d'excicer
fa
jaloulie. Conde de fon cote , de·
firoit de contempler cecte femme etonnante :
II / nut
•
voir de pres
,
difort-ii,
cefle prince.ffe qui abandonne
Ji
fa–
rilemmt la co11ro1111e pour laquelle 11011s co111bat1011s 11011s
011-
tres,
&
apres lnqru lle nous co11rons toute noire vie fans
pouvoir l'atteilrdre.
.
Ccpendant
Chrijline ,
au fein des plaifirs qui l'enrou–
roient, tournoit en foupi rant , fes
regards vers l'Italie
Ot1 tbutcs \es mcrvl:illes de l'antiquire' l'attendoienr.
In–
noccnc X, fameux autrefois par
fa
bulle conrre les cinq
propolitions de J anfeni us
&
alors odieux par fon in–
gracitude cnvcrs !es Barberins auxquels ii dcvoit la chia·
re , rtoit more
le
6 J anvier 1655. Le cardinal Chigi
venoit de lui fuccedcr fous le nom
d'A!exm1dre
f/1/1.
Cbrij/i11e
dont ii etoit l'admirateur
&
l'ami , trelTailloit
d
. .
C H ._R
~
397
e 101e en penfant qu'elle alloit troaver a Rome cou.
tes les fiaci lites de
Ii:
liv rcr
ii
l'et,ude des chefs-d'ceuvr
done ellc alloit etre enviroanee. Elle partit enfin , palfa
par l nfpruk ot1 on lui perfuada de renouveller dans
Li
cathedralc de cette ville
fa
profeffion de foi catholiquc :
elle y confentit volonciers. Toute la pompe
&
couce
h1
gaiete des feces publiqucs brillerent d'un nouvel eclar'
&
Chrijline
fut perruadee , die-on, que changer de re–
ligion etoit la ch0fe du monde la plus divertilfante.•
L e jour meme de cet ade religieux, on la pria d'af.
fifl:er
a
une comedic' elle repondit :
fl
ejt bien j11.fte q11'011
me donne ce fair la comidie , apres vous avoir donni 111oi
·
meme 1111efarce ce 111atin.
Convenons cependant que M . Chevreau qui rappor–
te ce faic , auroit bien du s'en defier. ,, Certainemenr •
die M. Lacombe , la reine nc fut pas
Ii
imprudence,
que de tourneren ridicule une aClion qu'elle avoit cant
d'intfrec de faire regarder comme fincere par les avan.
cages qu'elle en erperoit ,,. L a reine done le voyage
en Icalie n'etoit qu'un long niomphe ,
avan~oit
vers
la capita le ot1
el
le fit fon entree le 19 decembre • aux
aoclamations d'un peuple immenfe . Elle defcendit au
palais
&
baifa les mains du Pape qui naturellemem,
difoit·on, auroit du baifer les liennes. Entouree de fr;:a–
vans celebres' d'artifl:es fuperieurs qu'elk etonnoit par
l'erendue de fes connoilfances ,
Chrifline
employoit tous
fes momens
a
vifiter les monumens publics , les egli–
fes , !es academies , les cabinets des curieux , les colle·
cfrions de tableaux ,
&c.
dans ce premier enchantement
d'une joui!fance qu'elle avoit
Ii
ardemment
delin~e,
Chri–
ftine
heureufe
&
libre au
f~in
des beaux arts, ne regrettoit
point l'eclat du rang q11'elk avoit facrifie. Le moment de
l'yvrelfc etoit arrive\ cclui du repentir ne l'ecoit pas en–
core. Parmi les perfonnes fenfibles au merite de la jeu–
ne reine , le cardinal Colono eut,
dir.on, l'audace de
l'aimer, l'imprndoncc de le lui declarer ,
&
le ridicu.
le d'en etre plaifante.
Cbrijline
fourit
a
la paffion de
ion eminence'
&
lui declara qu'dle n'ecoit point ve·
nue
a
Rome pour fare fcandahfec.
Une fois femme en
fa
vie,
die eut la foible!fe d'€·
tre crop lenlible
a
quelques propos que tinrent des Ef.
pagnols
jalou~
de l'attaahement qu'.elle paroiffoir temoi–
gner aux ltahens. Elle 1demanda 3ull.1ce , l'obtint,
&
fe repentit de,l'avoir obt,enue. Le depit fecret , d'avoir
prefere la fatisfadion de fe venger
a
la gloire d'un par–
don genereux qui pouvoit )'honorer
a
fes yeux' la fit
rougir,
&
dcs-lors
eUe
pric la refolution d'abandon.
ner un pays cemoin lie
fa
foiblefi"e pour fe rcndre en
France , ou la fingularite de toutes fes de.marches de·
voit lui meriter dti nouveaux eloges
&
de nouvelles
cenfures. Elle
re~ut
clans ce royaume
tous
lcs hon·
neurs qu'on rendiLautrefois
a
Charles-~i nr.
La cour
s'emprelfa de voir par curiofite une femme dont le ca–
raCl:ere avoit du moins l'attrait piquant de la nouveau–
te; mais
la
plupart des courtifans ne remarquerent en
elle que la fingularire de fes habillemens ' a·peu-pres
oomme
le
marquis de Polainville, qui
a
Londres don·
noit pour le rffultat de les obfervations, que les An–
glois avoient l'air un peu etranger.
Chrifline
de Ion co–
te ' ennuyee du ceremonial de la cour ' demandoit pour·
quoi les dames moorroient cane d'ardeur
'1
la baifer :
ejt-ce '
difoic.elle '
parce qtte je rc.ffemble
a
1111 homme?
L 'epoque la plus remarquablf
d~
fon fejour en Fran·
ce,
&
quc nous aurions fupprimee
Ii
nous n'ecions que
Jes panegyrill:es de cette princeU-e , ell: la mort du mar–
quis de Monaldefchi, fon grand. ecuyer. Ce feigocur–
qu'on foup¥onne avoir ere l'amaot favorife de
Cbrijli11e .
eut l'imprudence ou
le
malheur d'humilier
fa
fierce en
ecrivant
a
une femme
CJ
u'il lui prfferoit ' des
lec~res
OU
la reine ecoic
indignement outragee
:
CfJ:iJljne,
/\!rpm
ces lettres
fatal~s,
&
parut fans
foup~on
Julqu au mo·
ment
fixe pour en tirer vengeance. Elle .mande Mo–
naldefchi dans la galeric des cerfs
a
Fonca111cblea~
'·
o~
ellc logeoit ; ii vienr ,
&
la porte
fe
fern;i;
~ve~
prec1p.1-
1acion. Un relig1eux
&
trois
ho~mes
I e.pee a la
~am
occupoient le fond de ta galerie. La reine affife etoic
feule au milieu. Apres avoir fixe le marquis en
lilenl~ ,