s
P 1
veau'-
c'e1t
pourquoi nOlls
d~voI'lS
cl'ohe qU\ine
(réat~re
fans cerveau éfr auffi capable de penfer ,
qu'une créature organi(ée comme nous le fommes.
Qu'efr-ce denc qui a pu
porterSpinoja
a
nier ce que
l'on dit des e[prits? Pourquoi a-t-il cm qu'il n'y a
rien dans le monde qui foit capable d'exciter dans
notre machine la vue d'U¡1 fpeare, de faire du bruit
dans une chainbre,
&
de caufer tous les phénomenes '
magiques
don~
les livres font mention? Efr-ce qu'il
a cm que, pour prodllire ces effets ; il faudroit avoir
un corps auffi maffif que celui de l'homme , & qu'en
ce cas-li\ les démons ne pourroient pas {ubfifrer en
l'air , ni entrer dans nos mai{ons , ni fe dérober
a
nos
yeux ? Mais cette penfée {eroit
ri~~cule
: la Ill:aíTe de
chair dont nous {ommes compoíes , efr moms une
aidc qu'un obaacle a l'efprit
&
el.
la force: j'entends
la force médiate, ollla faculté d'appliqqer les
infiru~
mens les plus propres
a
la produaion d'es grands ef–
fets. C'efr de certe faculté que naiífent les aaions les
plus (urorenantes de l'homme ; milie & r.1ifle exem–
pIes le ront voÍr. U
fl
ingénieur , petit comme uo naio,
ll1aigre, pale, fait plus de ehofes que n'en fe roient
deux mille fauvages plus forts que Milon. Une ma.:.
chine animée plus petite dix milie foís qu'une four–
mi , pourroit etre plus capable de produire de grands
. effets qll'un éléphant ; elle pourroit découvrir les
parties ín(enúbles des animaux
&
des plantes ,
&
s'al–
ler placer fur le fiege des premiers reíforts de notre
cerveau , &y ouvrir des valvules, dont l'effet feroit
que nous vi1fions des fantomes & entendiffions du
bruir. Si les Médecins connoiífoient les premieres
fibres
&
les premieres combinaifons des parties dans
les végétaux , dans les minéraux, dans les animaux,
ils connoitroie
u1Ii les infirumens propres a les
déranger , & ils pourroient appliquer ces infrrumens
comme il (eroit né,eífaire pour
prod~lÍre
de not'l–
veaux arrc:ngemens qui convertiroient les bonnes
viandes en poifon ,
&
les poi,fons en 1>onnes vian–
des. De tels médecins (eroient (ans eomparaifon plus
habiles qu'Hippocrate ; & s'ils étoient aífez petits
pour entrer dans le cerveau & dans les vji(ceres , ils
guériroient qui ils voudroient,
&
ils cau(eroient auffi
quand ils vOlldroient les plus étranges maladies qui
fe puiífent voir. Tout fe réduit
a
cette queilion; efr–
il poffible qu'une modification inviúble ait plus de
lumieres que l'homme
&
plus de méchanceté ? Si
.spinoJa
prend la négative , il ignore les conféquen–
ces de fon hypothefe , .
&
fe conduit témérairement
&
fans principes.
S'il ellt raifonné conféquemment,
jI
n'eút pas atdu
traité de chimérique la peur des enfers. Qu'on eroie
tant qu'on voudra que cet univers n'cfr point l'ou–
vrage de Dieu,
&
qu'il n'efr point dirigé par une na–
ture fimple, {pirituelle
&
difrinéte de tous les corps ,
il faut pour le moins que l'on avoue qu'iI ya. certai–
nes chofes qui ont de l'intelligence
&
des volontés ,
&
qui {ont jaloufes de leur pouvoir , qui exercent
leur autorité fur les autres, qui leur commandent
ceci ou cela, qui les chatient, qui les maltraitent,
qui fe vengent févérement. La terre n'ea-elle pas
pleine
~e
ces fortes de chofes ? Chaque homme ne
le fait-iI pas par expérience ? De s'imaginer que tous
les etres de cette nature fe foient trouvés précifément
{tlr la terre , qui n'efr qu'un point en comparaifon
de ce monde, c'efr aífurément une penfée tout-a-fait
déraifonnable. La raifon, l'efprit , l'ambition, la
haice , feroient plutot fur la terre que
p.ar-tout ail·
leurs. Pourquoi cela? En pourroit-on donner une
caufe bonne on mauvaife ? Je ne le crois pas. Nos
yellx nous portent a etre perfuadés que ces efpaces
immen(es, que nOllS appellons le
cie!
,
.oll il íe fait
des mouvemens
Ú
rapides & ú aaifs, {ont auffi capa–
bIes que la terre de former des hommes ,
&
auffi dig–
Des que la terre d'etre J>a.rtagés en pluíieurs domina-
Tome XV.
s
P 1
. tlons.
N
oüs ne favons pas ce qni
s~y
p,?ífe ;
iüais
íl
nous ne confultons que la raifon , il nous falldra
croire qu'il efr tres-probable, ou
du~moins
polfilile ,
qu'il s'y trouve des etres puiífans qui étehdent lellr
empire, auffi"bien que leut lumiere fur rtotre
mon de~
Nous {ommes peut-etre une portion de leurfeianeu.:.
rie: ils font des l'Ois, ils nous tes révelent par
l~s
lu;.
mieres de la eonfcien<::e, & l1s fe [¡lchent violeroment
contre ceux qui les t1'angreífent, Il fuffit que cela {oit
poffible pour jetter dans l'inquiétude les ath 'es,
&
il
n'y a qu'un bon moyen de ne r.iert craindre , c'efr de
croire la mortalité de l'ame. On échapperoit par-la
el.
la eolere de ces efprits, niais autrement íls pOllf'"
roi ent etre plus redoutables que Dieu lui-meme. Ert
rtlOurant on pourroít tomber ious le pouvoir de quel..
que maltre farouche, c'efi en vain
qu~ils
e[péreroient
d'en etre quittes pour quelques annc:es de
tourment~
Une nature bornée peut n'avoir a,ucul1e forte de
per~
feaion morale, ne fuivre que fon caprice
&
fa paífiol1
dans les peines qu'elle inflige. Elle peut bien
reífem~
bler
a
nos Phalaris
&
a nos
N~rons,
gens eapables de
laiiler lenr ennemi dans un ca¡¡:hot éternellement, s'ib
avoient Pll poíféder une autorité éterrtelle. Efpérera"
t~on
que les etres
malf~lifans
ne duterótit pas toujoúrs?
Mais combien y a-t-il d'athées qui prétendent que le
{oleil n'a jamais eú de commenE:ement,
&
qu'il n'aura
point de fin ?
. .
..
.
Pour appliqttet tout ée€i
el
tui fpinoúae,
fouvenons~
i10US
ql.l'il efi obligé par fon principe a reconn..oltre
l'immortalité de l'ame, car iI fe regarde comme la mo–
dalité d'un erre eífentiellemel!lt penfaflt;
fou:venons~
nOllS qu'il ne peut nier qu'il n'y ait des modalités qui
fe rachent contre les aurres, qui les mettent
a
la gene;
a
la quefrioll, qui foilt durer leurs tourmens autant
qu'elles penvent, qui les ertvoiertt aux galeres pou!'
touté leur vie, & qui feroient durer ce fupplice éter'"
nellement ú la mort n'y mettoit ordre de part & d'an–
treo Tibere
&
Caligllla
j
.monares affamés ele
carna~
ges, en {ónt des exemples ilIuares. Souvenons-nous
qu'un{pinofiae te rend ridiculé , s'il n'áv0ue que tour
l'univers efr rempli de modalités ambitieu(es , cha'"
grines, jaloufes, cntdIes. Souvenons - nOU5 enna
que l'eífence des modalirés humaines ne conúfre pas
a pOrter de groífes pieces de chair. Socrate étoit
So..:
crate le
10ur
de fa conception ou peu apres ; tout ce
qu'il avoit en ce tems-la peut fubfifrer en {on entier
apres qu'une maladie mortelle a fait éeífer lá éircula...
tion du {ang
&
le mOlivement du COlur dans la ma'"
tiere dont iI s'étoit agrandi : il efr dortc apd:s {a mor!
la meme modalité qu'iIétoit pendant fa vie, a ne con"
fidérer que l'eífentiel de {a perfonne ; il n'échappa
don'c point par la mort
á
la juaice, ou au Gaptice de
fes perfécuteurs inviúbles. Ils peuvent le {uivre par'"
tout
011
il ira; & le maltraiter fous les formes vifibles
qu'il pourra aequérir.
M. Bayle appliqué farts ceífe el (aire vOlr l'inexac"
titude des idées des partifans de
Spin()Ja,
prét d que
toutes leurs difputes fur les mirades rt'efr qu'un mifé..
rabIe jeu demots, &qu'ilsignorent les coñféquences
de leur {yfreme, s'ils en ruent la poffibilité. Pour faire
voir, dit - il, leur mauvai{e foi
&
leur's illufions fut
cette matiere ,
il
Íl1ffit de dire que qliand ils rejettent
la poffibilité des mirades , ils alleguent cette rairon ,
c'efr que Dieu
&
la nature {ont le meme etre : de
forte que
fi
Dieu fai(oit quelque chofe contre
l~s
lois de la nature , il feroit quelqlle chofe contre lw,
meme, ce qni efr impoffible. Parlez nettement
&
íans
~qui~oque
,dites
~u.e
les Iois,de la
natur~
n'a
ya~t_
pas ete faltes par un leglílateur libre,
&
qUJ connut·
ce qu'il faifoit, mais étant
l'aét~on
d'u?e
~au{e
a
v~
gle &
n~ceífaire,tien
ne peut arnver ql1l fÓlr
co~tralre
el ces lois. Vous alléauerez alors contte les
tU\racle~
votre propre the{e : °ce (era la pétition du
p~'incipe
'/
mais au-moil15 vous parlerez rondement.
TlrQIl~-les-
N
n n
ij