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On peut regarder la durée des regne5 des rois phi–
lofophes, comme le premier age de la philofophie
Chinoifl.
La durée du 1econd age ou nous aUons en–
trer, commence
a
Rooú o u
Li-lao-kiun ,
&
linit
a
la
mort de Mencius. La Chine eut phúieurs philofo–
phes particuliers long- tems avant Confucius. On
fuit fur. tour mention de Rooú ou
Li - tao- kirm,
ce
qui donne aífez mauvaife opinion des autres. Rooú ,
ou
Li-lao- kiun,
o u
Lao- tan,
naquit 346 ans apres
Xekia , ou
504
ans avant Jefus - Chriíl, a Sokok.i,
dans la province de Soo. Sa mere le porta quatre–
vingts-un ans dans fon fein ; il paífa pour avoir re–
~~~
J'ame de Sanfri Kaílo, nn des plus célebres dif–
ciples de Xekia ,
&
pour"etre profondément verfé
daos la connoiífance des dieux, des efprits, de l'im–
mortalité des ames,
&c.
Jufqu'alors la philofophie
avoit été morale. Voici maintenant de la méraphy–
íique '
&
a fa
íiú
te des fetles' des hai nes '
&
des
troubles.
Confucius ne parolt pas a voir cultivé beaucoup
cette efpece de philofophie; il faifoit
tr~p
de cas de
celle des premiers fouverains de la Chine. Il naquit
45
I ans avantJ efus-Chriíl, dans le v1llagede
Ceu-ye,
au r oyaume de
Xantung.
Sa famille étoit illuíl:re :
fa naiífance fur miraculeufe, comme on penfe bien.
On entendit une muúque céleíl:e autour de fo n ber–
ceau. Les premiers Cervices qu'on rend anx nou–
veaux nés, il les
re~ut
de deux dragons.
JI
avoit
il
1ix ans la hauteur d'un homme fait ,
&
la gravité
d 'un vieiUard. Il fe livra
i1
quinze ans
a
l'é tude de
la littérature
&
de la philofophie. Il étoit marié
a
vingt ans. Sa fageífe l'éleva aux premieres dignités:
mais inutile, odieux peut-etre
&
déplacé dans une
cour voluptueufe
&
débauchée, illa quitta pour al–
ler dans le royaume de
Sum
iníl:ituer une ecole de
philofophie rnorale. Cette école fut nornbreufe ; il
en fortit une foule d'hornrnes habiles
&
d'honnetes
citoyens. Sa philofophie étoit plus en aél:ion qu'eo
difcours. I1 fut chéri de fes difciples pendant fa vie;
ils le pleurerent long-terns apres fa rnort. Sa rnérnoi–
r e
&
fes écrits font dans une gran.:Íe vénération. Les
honneurs qu'on lui rend encare aujourd'hui, ont ex–
cité entre nos rniffionnaires les conteíl:ations les plus
vives. lis ont été regardés par les uns cornrne une
idolatrie incqmparible avec l'efpri< du Chriíl:ianif–
me : d'au tres n'en ont pas jugé fi féverernent. lis
convenoient a!fez les uns & les autres , que ú le cul–
te qu'on renda Confucius étoit religieux, ce culte
ne pouvoit erre toléré par <tes Chrétiens : rnais les
miffionnaires de la compagnie de Jefus ont tottjours
prétendu qu'il n'étoit que civil.
Voici en quoi le culte confill:oit. C'eíl: la couturne
des
Chinois
de facrifier aux ames de leurs parcns
morts : les philofophes rendent ce devoir particu–
lierernent
a
Confucius.
Il
y a proche de- l'école Con–
fucienne un autel confacré
a
fa rnérnoire'
&
fur cet
autel l'irnage du philofophe , ¡¡vec cette infcription:
C 'eft
ici
le throne de
t'ame
de notrl. tr¿s-.faint
&
tr
~s.exalleru
premier maftre Confucius.
La s'aífernble
nt leslettrés, tous les équinoxes, pour honorer par une
olfrande folennelle le philofophe de la nation. Le
principal mandarín du lieu fait la fontlion de pretre;
d'autres lui ferventd'acolyres: on choifit le jour du
facrifice avec des cérémonies paniculieres; on fe
prépare
a
ce grand jour par des jetmes. Le jour ve–
n u, on examine l'hoílie, on aHume des cierges, on
fe met
a
genoux' on prie; on a deux coupes' l'une
pleine de
fan~,
l'autre de vin; on les répand fur l'i–
mage de Contucius; o n benit les aífúl:ans, & chacun
fe retire.
ll eíl: tres-difficile de décider
1i
Confucius a éré le
Socrate ou 1'Anaxaaoras de la Chine: cette queíl:ion
tienta une connoi!fance profonde de la langue ; rnais
on cloit s'appercevoir par !'anal
y
fe que nous avons
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343
f'~te
plus haut de quelques-uns de fes ouvrages, qu'il
S
appliqua davantage
a
l'étude de l'hornme
&
des
mceurs, qu'a "elle de la nature & de fes caufes.
Mencius parut dans le fiecle fuivant. Nous paf–
fons tont
d~
fuite a ce philofophe, paree que le Roofi
des
J
apono1s eílle meme que le
Li-lao-kiun
des
Chi–
n?lS,
d~nt non~ av~>ns
parlé plus haut. Mencius a la
reputat10n de 1 avotr empane en fubtilité
&
en élo–
Cfl;'ence
fu,~
Confucius, rnais de lui avoir beaucoup
cedé par l mnocence des rnceurs,la droiture du cceur
& la rnodefiie des difcours.Toute littérature
&
tour;
ph~lofophie
furent prefc¡ue étouffées par
Xi-hoam-ti
qut régna trois fiecles ou environ apres celui de
Conii.t~ius.
Ce prince jaloux
d~
fes prédéceífeurs ,
ennernt des favans , oppreífeur de fes fujets , fit
b_rttler tous les écrits qu'il put recueillir'
a
l'excep'–
uon_des livres d'agriculture, de rnedecine ,
&
de
'n,agu._. ,
Quatre cents fo ixante favans qui s'étoient
refi.tg1es dans des rnontagnes avec ce qu'ils avoient
ptt
~mporter
de
_l~urs
bibliotheques, furent pris
&
exp¡rerenr au nulieu des flammes. D'autres , a-peu–
pres en rnerne nombre, qui craignirent le rn&rne íort
ain1erent mieux fe précipiter dans les eaux du ha
u~
des rochers d'une lle oit ils s'étoient renferrnés. L'é–
tude des lettres fi.u profcrire fou
s les peines les plus
féveres; ce qui refioit de livres
fi.ttnégligé;
&
lorf–
que les princes de la
fa~ille
de
If_an
s'occuperent du
renouvellernent de la httératttre,
a
peine put-on re–
couvrer quelques ouvrages de Confucius
&
de Men–
cius. On tira des crevaífes d'un mur un exernplaire
de Confucius a demi-pourri;
&
c'eíl fur cet exern–
plaire défetlueux qu'il paroit qu'on a fait les copies
qui l'ont multiplié.
Le renoUIVellernent des lettres peut fervir de date
. autroifieme période de l'ancienne philofophie
Chi–
noifl.
La fetle de
Foe
fe répandit alors dans la Chine;
&
avec elle l'idolatrie, l'athéifrne,
&
toutes forres
de fuperílitions; enforte qu'il eíl: incertain
fi
l'igno–
rance dans laquelle la barbarie de
Xi-/wam-ti
avoit
plo ngé ces peuples , n'étoit pas préférable aux fatif–
fes dotlrines dont ils furent infetlés.
Yoye{
a
l'arti~t¡¡·
de/a
PH ILOSOPH IE DES JAPONOIS, l'hif1oire de la
philofophie de Xekia, de la fetle de Roofi,
&
de l'i–
dolatrie de Foe. Cette fetle fut fuivie de celle des
Quiétiíl:es"ou
Uu-r¡uei-kiao, nihil agmtium.
Trois fie–
cles apres la naiífance de
J.
C. l'ernpire fut plein d'u–
ne efpece d'hornrnes qui s'irnaginerent &tre d'autant
plus pa rfaits, c'eíl:-3-dire, felon eux, plus voifins du
príncipe aérien, qu'ils étoient plus oififs. lis s'inter–
difoient, autant qu'il étoit en eux, l'ufage le plus na–
tttrel des fens . lis fe rendoient fiames pour devenir
air : cene diífolution étoit le terme de leur efpéran–
ce, & la derniere récornpenfe de leur inertie philo–
fophique. Ces Quiétiíles furent négliaés pour les
Fan-chin;
ces Epicuriens parurent
dan~
le cinquie–
me fiecl e. Le vice, la venu, la providence , l'irn–
mortalité ,
&c.
étoient pour ceux-ci des noms v u.i–
des de fens. Cette philofophie efi rnalbeureufernent
trap cornmode pour ceífer prornprement: il eíl: d'au–
tant plus dangereux que tour un peuple foit i)Ilbu
de fes príncipes.
On fait commencer la philofophie
Chinoift
du
rnoyen age aux dixieme
&
onziern~
fiecles 'fous les
deux philofophes
Cheu-cu
&
Chmz-et.
Ce furent deux
politheiíles, felon les uns; deux arhées felon les au–
tres ; deux tléiíl:es felon quel'l,ues-uns, qui préren–
dent que ces auteurs défigures par les commenta–
teurs , leur ont l'obligation entiere de tomes les
abfurdités qui ont paífé fous leurs norns. La feéte
des lettrés ell: venue irnmédiatement apres celles
de
Cheu-cu
&
de
Chim-ci.
Elle a
div~fé
l'empire fous
le nom de
Ju-kiao ,
avec les fetles
Foe-kiao
&
Lao–
kiao ,
qui ne fo_nt vraiífemblablemenr que trois com-