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n
P
o
fon tcm e{io pathetiqne. Le ton doit s'elever
a
la hau–
teur du fujct. Des encreprifes, des evenemens d'ou
dtpen;.i
I.:
fort d'une nation entier:: ; voila
!es objecs
l~s
plus propres
a
l'ipopit,
mais ii faut encore qu'1ls
3l{:ilc u11e certaine grandeur au dehors : ce gui exi!te
tout a-cqµp.
&
produit un effc:t fu bit , peJI:
a
la ve–
rice iltre u es-imporcant , m:tis nc: frroic pas
le
fujet
d 'un poeme epiql]e.
u
n tremblement de terre pourroit
abimer une conuee enciere. L'evenement ne feroir que
trop
incerelfant,
&
fou rniroit la maticre d'unc odo
tres-fublime, mais on• n'en fauroit faire une
ipoJee,
parce que le fojet n'a point de grandeur en ecendue,
ll
faut clans le poeme epique une action qui exige de
wands efforts de divers genres' qui rencontre de puif.
fans
ob!la(:le~,
ou les pc:rfonnages foient toujours dans
la plus grande activite , afi.n qu(: Jc poece ait lieu de
developper coutes !es forces du cc:eur humain. Voil!i
pourquoi birn que Milton
&
Klopfiock aient choifi
chacqn un fujet cres-incerdfant en lui meme, ces poe–
tes one
et~
obliges de recourir aux fiaions les plus
}rnrdies pour donner une plus grandc: etendi,te
a
ce qui
ri'eu~
ete que la
m~tiere
d'une ode. La grandeur de
l'aCl:1on nc: con(Hle , ni dans la
longueur du terns,
11i dans le nombre des
occupation~.
Une action d'un
jour pc:ut furpa!fer en grandeur !'action de plu!ieurs
;innces. Ce qui en fait la grandeur , c'c:!t qu'un grand
!"lombre de perlonnes de differens caraC1:eres
y
deploicnt
Jeurs forces
&
leur gfoie,
&
s'y devdoppenc elles–
piemes il'une rnaniere
a
interdfor fonement
le
k Cleur '
~
a
le
fatisfaire pl inemem.
L
'hi!1:orien ·traice fon fujet autrement que le poere
1
ii
ne lc:ra pas inutile d'approfondir en quoi la diffe·
renc e confi!te- e!fcntielkment. Le but de l'hi!loire dl
d'en feigni;r les fairs ; ain!i l'hi!lorien doit fuppofer quo
·fon JtCl:c:ur
jes ignore : le poece au concraire, peut
fup-poft:r que le
fond de fon
tujer t:fi tonnu ;
ii n'a
en
vue que de nous rerracer ce que nous favons de–
;a
hiftoriquement de la maniere la plus propre
a
nous
·cmouvoir fonement. II entre <lone de plt<in fauc en ma•
tic:re , fans avoir befoin de preliminairc:s. II
nc::
s'occu.
pe qu'a pien choitir le point de vue, l'ordre,
&
le
jou~
le plus favorable. pou r que fon recit fo{fe une
vive imp1'c:ffion.
II
peint rout dans un plus grand de·
tail ,
&
avtc des traits plus marques que ne
le
feroic
l'hifiorien. II ne nous
raconce pas en gros, ni en fon
p ropre !1:yle , qui ont fol les pc:rfonnages , ce qu'ils ont
(lit
&
fa
it ja<lis, ii nous Jes ramene lous les ye:'!"; nous
crayons les voir agir aBuellemehr ; nous les ent<·ndons
p arler chacun fon propre langage; nous foivons tous
kurs mouvemeM. S'agit-il dG quelque event:ment r.:–
rnarquabk. le roetC! commonce par arranger le
lieu
pc: la fcene,
tout cc qui tombe tou, les yeux e!t mis
ii. fa
place, enforce quc: fans fatiguer davantage notre
imagination ' au!Tt-tot qu'il iatroduit fes perfonnages .
toute notre accent on pcut fe
tourner fur cuK pour les
voir agir. Dans
l~s
defcriptions ,
l'ipopce
emploie les
c:ouleurs les plus vives , accumule, s'il le faut, com.
paraifons fur comparaifons ,
&
anime route la nature.
En un mot ,
le
poemc epique cienc le milieu entrc: une
narration hi!1:orique
&
une reprffentation dramatique.
Mais ee qui di!1:ingue pnncipakn1ent
l'cpopie ,
co
font !es portraits
&
Its
tableaux. Son grand but eft
de nous faire voir d'4uffi pres qu'il fe peuc des per.
fonnages illu!1:res, leurs fentimen5
&
leurs actions ;
&
par confequent auffi
les objets qui les occupent,
• i \Ion rtrraachoit du poeme ces p::incures decaillees,
on
les
reduir-0ic prefque a
une
fim ple relation. Les
portra'irs font done une partie tres-dfentielle <le
l'i–
f'pie ;
c't!(l;
a
ccla qu'on reconnoit pnnc1palemont le
genie du poece,
&
fa
connoi!fance du cc:eur humaio.
!\-his ees portraits ne font pas de fimples defcripttons
abfcraites , a.: font des tableaux vivans , d<!ns ldquds
lc:s perfonnages font vus par kurs acbons
&
par kurs
o ifr.ours. Tels foot Jes portraits des h!ros d'Homere.
C hacon a fon caratl:ere difiinCJ:if, fon
tour de: genie
panic.ulier ' qui
fa
deplo.ieavec
la
plu~
grand::
ve~i:
EPO
t.~
a
chaquc rencontre , foit en parlant, foit en
agl(.
fanr. D Jns tout le cours du poeme, on reconnoit tou–
jours, malgre la
varifo~
des circonfiances, le meme
r–
fonnage, parcc: qu'il confervc fon ton individuel, qu'il
refte toCtjours fcmblable a lui teul '
&
que
fa
manier
de s'exprimer
qu
d'agir
n'apparti~nt
qu'a lui.
II n'eft pas neceffaire de faire fentir combien de
fa–
gacite,
de
connoi!fance des hommes,
&
de: foupldTe
de genie tout cela exige. Le poere doic connoitre par
eKperiencc les divers caraCtc:res, les difffrens principc:s
qui influent for ks aCJ:ions. II doit amgner
a
chaque
perfonnage une teinte naturelle du fiecle , des ma:urs,
&
du caraClere national.
II dolt favoir fe cranlpurrc:r
dans les
terns,
&
dans les lieux de l'aCtion ;
&
afin
que chaq ue caratl:ere pui!Te bien fe developper, ii fau t
ordonner l'atl:ion de: maniere que chacun des principaux
perfonnages fc: trouve dans plufieur< firuations differen–
ces , plus ou moins critiques ; cantor occupe de fes pro–
prts afta1res , cantot de cdles des aucres , foit pour les
fa vorifer, ou pour les traverfer.
Ajoutons a cela que tous ces perfonnages doivent
avoir une grandeur ideale un peu a·u-deffus de la gran.
deur naturdk. Car pour que !'action foi t g rande
&
ex•
traordinaire ; il faur que ks a&c:urs fui.:nt di!tingues
du commun des homrnes; quc:
tour en eux jult1fic
le ton eleve fur lc:qud
le
poece
4
dcbute
a
kur egard.
S'il ne nou, montroit que des hommes ordinair s, fon
fty le emphdtique paroitru1t oum! ,
&
d'aillcurs le but
du pocme ft:ro1t mapque ;
ii
dolt toujours ctre d'elevcr
l'efprit
&
les foncimens du ktl:r ur.
On exige encore de
l'ipopie
qu'dle foit infiruf.tive.
Comme
It:
deffein du poiite n'e!t pas de nolls appren.
dre !es faics , ii
fe
propofe en nous Jes
rc:tra~ant
de
nous donner d'utiles
lc:~on
, mais
a
fa
mani, re: ,
~
non en moralifte ; point tur le con d'un ph1lofophc
dogmatique , mais
en
pofae:
fzyi
quid
fit
pulcbru111,
fJ.Uid turpt
,
fJ.ttid ttlile
>.
quid
11011
Pla11i11s ac meli11s Chr)/ippo
&
Cr1111to1·e dicit.
·
11
inftruit par la voie des exemples ;
ii
nous
mon~
tre comment dc:s hommc:s d'un
j ugemc:nt profond.,
d 'un elprit eleve, agi!Tc:nt dans lc:s grandc:s occa!ions.
L e poetc: nc diffcrte pas ; ii ne fa1c point d'applica–
t ions morales ; ii ne cherchc: pas meme
a
infiru1rc: par
des fentences g.enerales qu'il frroit debirer
a
c:s he–
T05 ;
ii ne die point commenc. ii faut pc:nler
& .
ag1~;
il k contence de nous faire: vo1r des hommcs qui ag1f–
fent
&
q ui pcnfcnt.
~elquc:s
critiques ont cru que
l'ipople
devoit in–
ftruire par ll nature meme de:
l'cvenc:mcnc'
&
par le
fucces heureux ou malheu1eux que
le
denoucmc:nc ame–
ne. M ais cette maniere d'inlhuire appartic:nt proprc–
ment
a
l'hifioire' elle n'e!t qu'accidentc:llc: au poi:me
epiq ue. L e fujet entier de l'l liadc: n'a ·rien de
fort
in–
firuetif ,
&
reduit en !imple recit • on n'en tircroit
qu'une morale affez froide. L'inll uc::nce vra1cment ener–
gique de
l'ipopee
fur lcs mceurs, con!i!te dans les actions
&
la mamc:re noble de penfrr des heros. C'c:fi par
Ia
que route la Grece a regarde Homere comme
le
pre.
!11ic:r infiituteur des hommes.
II nous refte encore
a
parler du ftyk de
l'ipople.
~e
poece plein do la grandeur du Jujc:t qu'il
ch~nc~, ~·e.
nonce d'un ton pllthcciquc , folt:mnd ,
&
qui
ue~t
.de
l'enthou!iafme. Des termes fores
&
harmonic:ux d1(hn–
guent ton expreffion de l'exprdJion ordinairc:. II rrou–
ve des tours qui annoblitfcnr l'idee des chofc:s coi:n·
muncs. II evite les liaifons ordinaires ,
&
ks man1e–
res de parler crop familieres. Sa
c?nftr~cti?n
n'.elt pas
celle du vulgaire;
&
comme Ion 1mag10anon echauf–
fee voit tous les objers exaCtement ddJincs fous frs
yeux, ii c:!t plus
ric;he que l'hifiorien
eo
ep1tbcces
pitto1efques. Soo ton porte
toujours
l'emprcinte du
ienciment prrfent , doux , ou imperueux ,
fclo~
la
fi–
tUation .acb,1clle
; _l'efprit. A mc:iure que l'acbon
v~c-t