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784

n

P

o

fon tcm e{io pathetiqne. Le ton doit s'elever

a

la hau–

teur du fujct. Des encreprifes, des evenemens d'ou

dtpen;.i

I.:

fort d'une nation entier:: ; voila

!es objecs

l~s

plus propres

a

l'ipopit,

mais ii faut encore qu'1ls

3l{:ilc u11e certaine grandeur au dehors : ce gui exi!te

tout a-cqµp.

&

produit un effc:t fu bit , peJI:

a

la ve–

rice iltre u es-imporcant , m:tis nc: frroic pas

le

fujet

d 'un poeme epiql]e.

u

n tremblement de terre pourroit

abimer une conuee enciere. L'evenement ne feroir que

trop

incerelfant,

&

fou rniroit la maticre d'unc odo

tres-fublime, mais on• n'en fauroit faire une

ipoJee,

parce que le fojet n'a point de grandeur en ecendue,

ll

faut clans le poeme epique une action qui exige de

wands efforts de divers genres' qui rencontre de puif.

fans

ob!la(:le~,

ou les pc:rfonnages foient toujours dans

la plus grande activite , afi.n qu(: Jc poece ait lieu de

developper coutes !es forces du cc:eur humain. Voil!i

pourquoi birn que Milton

&

Klopfiock aient choifi

chacqn un fujet cres-incerdfant en lui meme, ces poe–

tes one

et~

obliges de recourir aux fiaions les plus

}rnrdies pour donner une plus grandc: etendi,te

a

ce qui

ri'eu~

ete que la

m~tiere

d'une ode. La grandeur de

l'aCl:1on nc: con(Hle , ni dans la

longueur du terns,

11i dans le nombre des

occupation~.

Une action d'un

jour pc:ut furpa!fer en grandeur !'action de plu!ieurs

;innces. Ce qui en fait la grandeur , c'c:!t qu'un grand

!"lombre de perlonnes de differens caraC1:eres

y

deploicnt

Jeurs forces

&

leur gfoie,

&

s'y devdoppenc elles–

piemes il'une rnaniere

a

interdfor fonement

le

k Cleur '

~

a

le

fatisfaire pl inemem.

L

'hi!1:orien ·traice fon fujet autrement que le poere

1

ii

ne lc:ra pas inutile d'approfondir en quoi la diffe·

renc e confi!te- e!fcntielkment. Le but de l'hi!loire dl

d'en feigni;r les fairs ; ain!i l'hi!lorien doit fuppofer quo

·fon JtCl:c:ur

jes ignore : le poece au concraire, peut

fup-poft:r que le

fond de fon

tujer t:fi tonnu ;

ii n'a

en

vue que de nous rerracer ce que nous favons de–

;a

hiftoriquement de la maniere la plus propre

a

nous

·cmouvoir fonement. II entre <lone de plt<in fauc en ma•

tic:re , fans avoir befoin de preliminairc:s. II

nc::

s'occu.

pe qu'a pien choitir le point de vue, l'ordre,

&

le

jou~

le plus favorable. pou r que fon recit fo{fe une

vive imp1'c:ffion.

II

peint rout dans un plus grand de·

tail ,

&

avtc des traits plus marques que ne

le

feroic

l'hifiorien. II ne nous

raconce pas en gros, ni en fon

p ropre !1:yle , qui ont fol les pc:rfonnages , ce qu'ils ont

(lit

&

fa

it ja<lis, ii nous Jes ramene lous les ye:'!"; nous

crayons les voir agir aBuellemehr ; nous les ent<·ndons

p arler chacun fon propre langage; nous foivons tous

kurs mouvemeM. S'agit-il dG quelque event:ment r.:–

rnarquabk. le roetC! commonce par arranger le

lieu

pc: la fcene,

tout cc qui tombe tou, les yeux e!t mis

ii. fa

place, enforce quc: fans fatiguer davantage notre

imagination ' au!Tt-tot qu'il iatroduit fes perfonnages .

toute notre accent on pcut fe

tourner fur cuK pour les

voir agir. Dans

l~s

defcriptions ,

l'ipopce

emploie les

c:ouleurs les plus vives , accumule, s'il le faut, com.

paraifons fur comparaifons ,

&

anime route la nature.

En un mot ,

le

poemc epique cienc le milieu entrc: une

narration hi!1:orique

&

une reprffentation dramatique.

Mais ee qui di!1:ingue pnncipakn1ent

l'cpopie ,

co

font !es portraits

&

Its

tableaux. Son grand but eft

de nous faire voir d'4uffi pres qu'il fe peuc des per.

fonnages illu!1:res, leurs fentimen5

&

leurs actions ;

&

par confequent auffi

les objets qui les occupent,

• i \Ion rtrraachoit du poeme ces p::incures decaillees,

on

les

reduir-0ic prefque a

une

fim ple relation. Les

portra'irs font done une partie tres-dfentielle <le

l'i–

f'pie ;

c't!(l;

a

ccla qu'on reconnoit pnnc1palemont le

genie du poece,

&

fa

connoi!fance du cc:eur humaio.

!\-his ees portraits ne font pas de fimples defcripttons

abfcraites , a.: font des tableaux vivans , d<!ns ldquds

lc:s perfonnages font vus par kurs acbons

&

par kurs

o ifr.ours. Tels foot Jes portraits des h!ros d'Homere.

C hacon a fon caratl:ere difiinCJ:if, fon

tour de: genie

panic.ulier ' qui

fa

deplo.ie

avec

la

plu~

grand::

ve~i:

EPO

t.~

a

chaquc rencontre , foit en parlant, foit en

agl(.

fanr. D Jns tout le cours du poeme, on reconnoit tou–

jours, malgre la

varifo~

des circonfiances, le meme

r–

fonnage, parcc: qu'il confervc fon ton individuel, qu'il

refte toCtjours fcmblable a lui teul '

&

que

fa

manier

de s'exprimer

qu

d'agir

n'apparti~nt

qu'a lui.

II n'eft pas neceffaire de faire fentir combien de

fa–

gacite,

de

connoi!fance des hommes,

&

de: foupldTe

de genie tout cela exige. Le poere doic connoitre par

eKperiencc les divers caraCtc:res, les difffrens principc:s

qui influent for ks aCJ:ions. II doit amgner

a

chaque

perfonnage une teinte naturelle du fiecle , des ma:urs,

&

du caraClere national.

II dolt favoir fe cranlpurrc:r

dans les

terns,

&

dans les lieux de l'aCtion ;

&

afin

que chaq ue caratl:ere pui!Te bien fe developper, ii fau t

ordonner l'atl:ion de: maniere que chacun des principaux

perfonnages fc: trouve dans plufieur< firuations differen–

ces , plus ou moins critiques ; cantor occupe de fes pro–

prts afta1res , cantot de cdles des aucres , foit pour les

fa vorifer, ou pour les traverfer.

Ajoutons a cela que tous ces perfonnages doivent

avoir une grandeur ideale un peu a·u-deffus de la gran.

deur naturdk. Car pour que !'action foi t g rande

&

ex•

traordinaire ; il faur que ks a&c:urs fui.:nt di!tingues

du commun des homrnes; quc:

tour en eux jult1fic

le ton eleve fur lc:qud

le

poece

4

dcbute

a

kur egard.

S'il ne nou, montroit que des hommes ordinair s, fon

fty le emphdtique paroitru1t oum! ,

&

d'aillcurs le but

du pocme ft:ro1t mapque ;

ii

dolt toujours ctre d'elevcr

l'efprit

&

les foncimens du ktl:r ur.

On exige encore de

l'ipopie

qu'dle foit infiruf.tive.

Comme

It:

deffein du poiite n'e!t pas de nolls appren.

dre !es faics , ii

fe

propofe en nous Jes

rc:tra~ant

de

nous donner d'utiles

lc:~on

, mais

a

fa

mani, re: ,

~

non en moralifte ; point tur le con d'un ph1lofophc

dogmatique , mais

en

pofae:

fzyi

quid

fit

pulcbru111,

fJ.Uid turpt

,

fJ.ttid ttlile

>.

quid

11011

Pla11i11s ac meli11s Chr)/ippo

&

Cr1111to1·e dicit.

·

11

inftruit par la voie des exemples ;

ii

nous

mon~

tre comment dc:s hommc:s d'un

j ugemc:nt profond.,

d 'un elprit eleve, agi!Tc:nt dans lc:s grandc:s occa!ions.

L e poetc: nc diffcrte pas ; ii ne fa1c point d'applica–

t ions morales ; ii ne cherchc: pas meme

a

infiru1rc: par

des fentences g.enerales qu'il frroit debirer

a

c:s he–

T05 ;

ii ne die point commenc. ii faut pc:nler

& .

ag1~;

il k contence de nous faire: vo1r des hommcs qui ag1f–

fent

&

q ui pcnfcnt.

~elquc:s

critiques ont cru que

l'ipople

devoit in–

ftruire par ll nature meme de:

l'cvenc:mcnc'

&

par le

fucces heureux ou malheu1eux que

le

denoucmc:nc ame–

ne. M ais cette maniere d'inlhuire appartic:nt proprc–

ment

a

l'hifioire' elle n'e!t qu'accidentc:llc: au poi:me

epiq ue. L e fujet entier de l'l liadc: n'a ·rien de

fort

in–

firuetif ,

&

reduit en !imple recit • on n'en tircroit

qu'une morale affez froide. L'inll uc::nce vra1cment ener–

gique de

l'ipopee

fur lcs mceurs, con!i!te dans les actions

&

la mamc:re noble de penfrr des heros. C'c:fi par

Ia

que route la Grece a regarde Homere comme

le

pre.

!11ic:r infiituteur des hommes.

II nous refte encore

a

parler du ftyk de

l'ipople.

~e

poece plein do la grandeur du Jujc:t qu'il

ch~nc~, ~·e.

nonce d'un ton pllthcciquc , folt:mnd ,

&

qui

ue~t

.de

l'enthou!iafme. Des termes fores

&

harmonic:ux d1(hn–

guent ton expreffion de l'exprdJion ordinairc:. II rrou–

ve des tours qui annoblitfcnr l'idee des chofc:s coi:n·

muncs. II evite les liaifons ordinaires ,

&

ks man1e–

res de parler crop familieres. Sa

c?nftr~cti?n

n'.elt pas

celle du vulgaire;

&

comme Ion 1mag10anon echauf–

fee voit tous les objers exaCtement ddJincs fous frs

yeux, ii c:!t plus

ric;he que l'hifiorien

eo

ep1tbcces

pitto1efques. Soo ton porte

toujours

l'emprcinte du

ienciment prrfent , doux , ou imperueux ,

fclo~

la

fi–

tUation .acb,1clle

; _l'efprit. A mc:iure que l'acbon

v~c-t