CAR
filter le
o~nie propr~
aux beaux-arts; le don de bien
failir les
°caratleres
ell peuc-c!cre la marque la plus sure
.du genie d'un artifte.
Parmi la grande variece d'objets dont Jes beaux-arts
s'occupent' !es
eara&leres
des etres penfans font, fans
contrdit, ceux qui interelfent davancage. L'cxpreffion
des
cara5/eres
moraux ell la plus importance partie de
!'art,
&
c'dl en parciculier le premier talent du poe–
t:e.
Dans les priocipaux genres de poelie, l'c!popee
&
le drame, cc font !es
carafleres
des perfonnages qui
i orment la' p4rtie e!fentidle du poeme. Sont-ils bien
deffines, ils nous mettent en erat de lire dans le cceur
des homme&, de prdfentir l'impreffion des objets cx–
terieLJrs fur eux ' de prevoir leurs fentil\lens. leurs re–
folutions ,
&
de connoitrc di!tinClement !es rdforts qui
Jes font agir. Les caFalleres fonc propremenc le por–
'trait de l'ame ' 'i'objet reel. done le portrait du corps
n'ell que l'ombre. Le poece qui fait tracer avec exa–
Cl:itude
&
avec force !es
carafleres
moraux, nous en–
feigne
a
connoicre ks hommes,
&
en mcime-tcms
a
nous bien connoitre nous-memes. Mais l'effet quc des
'•rafleres
bien deffines font fur Jes facultes de notre
ame, ne fe borne pas
a
cetce connoiffance. Car de
merne que nous partageons la douleur des perfonnes
affiigees, nous relfencons auffi tolls Jes autres fentimens,
des qu'on !es exprime vivement
&
dans le vrai. Tou–
t-e reprffentation forte de l'etaE d'une ame, nous fait
eprouver auffi
fenfiblement ce qui fe palfo en c:lle'
que
Ii
la chofe fe palfoic en nous-memes. Par-la , Jes
penfees
&
les . fcncimens des autres deviennent en quel–
que maniere des modifications de notre propre etre ,
nous devenons impet
<Je.uxavec Achille, prevoyancs avec
Ulylfe,
&
intrepid
es avec Hector.
Les poeces pcuvenc done, a l'aidc des
carafleres
qu'ils
choifilfent, exercer un cres-grand empi&e fur les cceurs.
Les perfonnages q<Ji ont notre approbation nous to!.1-
chent le plus fortemenc, Nous rJlfemblons routes nos
forces pour eprouver Jes memes fencimens' que !'on
nous
dep~i11t
dans ceux dont
le
caractere nous a char.
mes. Ceux qui nous deplaifent, au contraire, excicent
en nous une forte avalion, parce qu'ecanc, pour ainfi
dire. neceffites de relfentir auffi leur fituation, ii s'ele–
ve en nous-mernes un combat interic1.1r qui nous les,
rend defagreables.
La prlnoipale attention du poece epique
OU
drama-–
tique doit par contequent s'attacher aux
carafleres
de–
fes perfonnages. Pour
fe
hafarder dans ces deux gen.
res , ii fam bien connoitre les hommes. Le poece epi–
que a la facilice de developper en entier le
camtlere–
de fes principaux perfonnages, par le nombre
&
la–
divedice des evenemens, des incidens
&
des
pe~fon,
nes que l'etendue de fon aClion Jui permet cl'incrodui–
re ; le pofae dramacique au contraire, done l'aCl:ion–
cll rell:reince
a
un obJCt pricis, ne peuc peindre
le
caraflere
des hommes que par quelques traits fingu–
Jiers de leurs vcrtus, de lours vices ou de leurs paf–
fions.
II
ell:
rarcmcnt polfible , dans un terns aulii
court que celui auqm:l l'aCl:ion du drame ell bornee ..
&
clans un eveneq:ent unique' de faire eonnoitre le·
raraflere
encier d\rn perfonnage.
-
II y a des gens qui, daas leur maniere d'agir-
&
de penfer, ne marq uenc aucun
caratlere
decide. Ce font·
des girouettes qui font indifferences
a
couccs les pofi–
tions,
&
qui fe laiffenc allc;r
a
routes. les impulfions.
II•
femble qu'il n'y a point en eux de force incernc: capable·
de fencir, de fe determiner
&
d'operer.
lls voient
arrive~
16s evenemens
fans. s'y
intirelfer ;
il·s n'en.
cprouvent qu'une impreffion
foible
&
momencanee ,
qui
~·efface
dCs que
la caufe celfe d'agir. Ces etres.
automates
M
font d'aucun, ufage en· poetic. Le poece
c;herche des perfonnages doot
Ii
fa~on,
de penfer
&
d'a–
gir air quelque cl\ofe de rematquable
&
de faillanc;
qui foienc domincs
p.irquelques paffions; qui aient>
un tour d'efprit, u
ne maniere de fentir
a
eux ; enforce
qu'a chaque occa!ion ce
C\_Ui
conftituc l'effenticl du.
cn–
raflere
fe
faff'-'
remarquer~
'I1m1e
11,
.
. .
C A R
219
De tels perfonnages places dans diverfes circonfian–
ces,
&
lies entr'eux pat' differences relations , font l'a•
me de ces ouvrages de l'art qui confi!l:errc. en actions,
&
par-ticulieremenc du poeme epiqu". Au moyen de
ces perfonnages, une aCl:ion tres-limplc peuc dc:venir
interefTante. lls y repandent un agrement que ni !'in–
trigue ' ni la multiplicice de
evenemens
&
des inci–
dens ne fauroit c.ompenfer. Pour fe convaincre de la
verice de cette remarque , ii n'y a qu'3 confiderc:r la
plupart des tragedies grecques ; malgre la grande fim–
plicite du plan, elles interelTent infinimenc par les
ca–
ra&leres.
On pourroic reduire en deux lignes tour le
fujec du
PromeJhie
d'Efchyle ; cette tragedie n'en e!t
pas moins du plus grand interet. Parmi les ouvrages
modernes , le voyage
fentimencal de Sterne ell une
preuve bien evidence que ks evenemens les plus ordi–
naires, les faits les plus communs , peuvenc -acque–
rir le plus h.aut degre d'interec par.!es
carafleres
des
perfonnages. Quand on n'ecric que pour des enfans ,
ou pour des tetes foibles , on fera fore bien de cher–
cher a les amufer par une foule d'evenemens fingu–
liers
&
d'avencures romanefques; mais quiconque
compofe pour des hommes , doic s'attacher par pre–
ference aux
carafleres.
Cecce regle concerne egalement
le peintre en hilloire. S'il n'ell pas flatte d'obtenir Jes
fuffrages du vulgaire' ii nc: faa pas con!iller le me–
r-ice de fon ouvragc: dans l'etendue de l'inventi<;>n , ni
dans le nombre des figures ou des grouppes , ma1s clans
la force
&
la variece des
carafleres.
Pourvu qu'un poe–
te epique
Oll
dramatique fache bien faifir
&
prelentcr
Jes
carafleres
,
avec les diverfes nuances qui
d~pendent
de l'edllcacion , des mceurs du liccle
&
d'autres cir–
conllances perfonnelles, il polfede la partie elfontiellc:
de fon art ; rout evenement peut Jui fuffire; chdquc·
fituation fera alfez propre
a
developper fes
caMfleres,
au du moins , ii ne lui fauc qu'un effort cres-medio–
cre d'imaginacion pour invencer le tilfu d'une fable qui·
rend cc developpement plus incerelfanc.
Tout
caraC/ere
peut fc:rvir au poece, pot1rv1:1 qulil
air ces crois qualices.
1°.
D'etre bien decide.
2 ° •·
D 'e–
tre pfychologiquement bon , c'eft-a.dire , d'etre vrai ,
&
exill:ant dans la nature. 3°.
De
n'ccre pas de la claf–
fe
la plus commune. Mais que
le
poete fe garde de
&arafleres
faits a plaifir; ces etres d'imagination n'in–
terelfent point. Preter aux memes perfonnages , felon
Jes occurrc:nces, tantot de hons , cancoc de mauvais
fen~t'imens, Jes faire agir ici avec <lignite, l?i avec ballelfe,
ce n'ell: pas tracer des
'arafleres.
Celui qui connoitroit
parfaitemenQ Je
Garaflere
d'un homme, feroit en Ctat
de predire fes fentimens, fes actions,
&
cous fes com–
porccmens dans chaque cas
de~ermine.
Car Jes parties
integrances du
caratkre,
s'il ell permis de s'expFimc:r
ainfi, renferment Jes raifons de chaqqe action , de cha–
que volition. Toutes les impullions de l'ame pF-ifes en..
femble , chacune felon
fa
mef\)re determinee, chacu–
ne modifiee
p~r
le temperament de la perfonne, par
fon education , p11r fc:s
lumier9s ' par l'efP'ic de. foll'
etat
&
de fon liecle ' compofent le
iaraflere.
de l'hom–
me, qui decide de
fa
fa~on
de fentir
&
d'agir. Un–
perfannage dont !es fentimens , les difcours , les a&ions
ne s'expliquent point par le
car.a&lere
qu'i·l a an-nonce,
ou qui n'indiquent point ce
ca'Fnflere-
inconnu jufque•
13; un tel perfonnage n'a point de
caraElere
reel; iJ:.
agic au hafard,
&
ce n'dt que fortuicement qu'il fe
determine. II en
ell:
des forces de
l~ame
comme de cel–
les du monde vilible. On doic
y
fuppofer un rapport·
trcs-precis d'egalite entre
l'effe~
&
fa
caufe. Un guer–
ricr·coujours prec
a
fe battre feul contre une
~:oupe
nombreufe, qui met' en deroutc des armees enc1eres,
exprime tres-mal le
caraflere
de la plus haute Y'aleur.
C ell:
un etrc f.anta!l:ique, qui n'a de realite que dans
l'imaginacion dereglee du poete. De
mGm~
fr,
cl.ans
u~
roman l'on no01s peinc un
h~roo
q ui par-tout ou
1~
porte–
fes pas, repand des dons avec une profolion
roy~k.•
qui enrichit des families entieres, ces. actes de gcne–
rofire
ne
no.uscouchent que bien foiblemcnt-, paret!'
Ec 2