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L'UTOPIE
damment toutes les nécessités et commodités de
la vie, et en outre un superflu bien supérieur aux
besoins de la consommation.
»
Vous le comprendrez facilement, si vous réflé–
chissez au grand nombre de gens oisifs chez les
autres nations. D'abord, presque toutes les femmes ,
qui composent la moitié de la population, et la
plupart des hommes, la oii les femmes travaillent.
Ensuite cette foule immense de pretres et de rdi–
gieux fainéants. Ajoutez-y tous ces riches proprié–
taires qu'on appelle vulgairement
nobles
et
sei–
gneurs;
ajoutez-y encore leurs nuées de
vale~s,
autant de fripons en livrée ; et ce déluge de men–
diants robustes et valides qui cachent leur paresse
sous de feintes infirmités. Et, en somme, vous
trouverez que le nombre de ceux
qui,
par lek
travail, fournissent aux besoins du genre
humai.IJ,
est bien moindre que vous ne l'imaginiez.
>>
Considérez aussi combien peu de ceux
qui
travaillent sont employés en choses vraiment néces–
saires. Car, dans ce siecle d'argent, oii !'argent
est le dieu et la mesure universelle, une foule d'arts
vaina et frivoles s'exercent uniquement au service
du luxe et du déreglement. Mais si
la
masse actuelle
des travailleurs était répartie dans les diverses
professions utiles, de maniere a produire meme avec
abondance tout ce qu'exige la consommation, le
prix de la main-d'reuvre baisserait
a
un point que
l'ouvrier ne pourrait plus vivre de son salaire.
»
Supposez done qu'on fasse travailler utilement
ceux
qui
ne produisent que des objeta de luxe et
ceux
qui
ne produisent rien, tout en mangeant
chacun le travail et la part de deux bons ouvriers ;
alors vous concevrez sans peine qu'ils auront plus
de temps qu'il n'en faut pour fournir aux néces-