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D E S

E

D 1 T E U

R.

S.

iij

:tu dernier pomt

a

I'aélion des corps extérieurs, il feroit bien- tot détruit,

ii

le Coin de fa

<:on{ervation ne

1l0US

occupoit. Ce n'efr pas que tous les corps extérieurs nous faífent

éprouver des fenfations deíagréables; quelques-uns {emblent nous dédommager par le

plaiúr que leur aélion nous procure. Mais tel efr le malheur de la condition humaine, que

la douleur efr en nou-s le {entiment le plus vif; le plailir nous touche moins qu'elle,

&

ne fuffit

pre{que jamais pour nous en cOlúoler. En vain quelques Philo{ophes {otitenoi.ent, en rete–

nant leurs cris au milieu des fou{frances, que la do leur n'étoit point un mal; en vain quel–

ques autres plac;oient le bonheur fupreme dans la volupté,

a

laquelle ils ne laiífoient pas de

fe refu{er

par

la crainte de fes fuites ; tous auroient mieux connu notre nature, s'ils

s'étoient

contentés de borner

a

1'exemption de la douleur le fouverain bien de la vie préfente,

&

de

convenir que fans pouvoir atteindre

a

ce fouverain bien, ilnous étoit {eulement permis d'en

approcher plus ou moins,

a

proportion de nos foins

&

de notre vigilance. Des réflexions

(i

natureUes frapperol1t infailliblement tout homme abandonné

el

lui-meme ,

&

libre de pré–

jugés , {oit d'éducation , foit d'étude; elles feront la fuite de la premiere impreffion qu'il re–

cevra

d.es

objets;

&

1'on peut les mettre au nombre de ces premiers mouvemens de 1'ame,

précieux pour les vrais fages,

&

dignes d'etre ob{ervés par eux, mais négligés ou rejettés

par la Philofophie ordinaire , dont ils démentent pre{que totijours les principes.

La néceilité de garantir nOtre propre corps de la douleur

&

de la defrrqEtion, nous fait

examiner parmi les objets extérieurs, ceux qui peuvent nous etre miles ou nuifibles, pour

rechercher les uns

&

fuir les amres. Mais

el

peine commenc;ons-nous

á

parcourir ces objets,

que nous découvrons parmi eux un grand nombre d'etres qui nous paroiífent entierement

femblables

el

nous , c'efr-a-dire , dom la forme efr tome pareille a la notre,

&

qui, autant

que nous en pouvons juger au premier coup d'reil, femblent avoir les memes perceptions

que nous; totlt nous porte done

a

penfer qu'ils ont aufli les memes befoins que nous eprou–

vons,

&

par conféquent le meme intéret de les fatisfaire; d'ou il ré{ulte que nous devons

trouver beaucoup d'avantage

a

nous unir avec eux pour démeler dans la nature ce qui

pem nous conferver ou nous nuire. La communication des idées efr le principe

&

le fotitien

de cette union,

&

demande néceífairement 1'invention des fignes; telle efr 1'origine de la

formaríon des fociérés avec laquelle les langues ont dti naltre.

Ce commerce que tant de motifs pui(fans nous engagent

a

former avec les autres hommes,

augmente bien-tot l'étendue de nos idées,

&

nous en fair naltre de tres - nouvelles

pour nous ,

&

de tres - éloignées, felon toure apparence , de celles que nous aurions eues

par nous-memes fans un rel fecours. C'efr aux Philo{ophes

a

juger

ii

cette communication

réciproque, jointe a la reífemblance que nous appercevons entre nos fen{ations

&

celles

de nos femblables, ne contribue pas beaucoup a fortifier ce penchéJ,nt invincible que nous

avons a {uppo{er l'exifrence de

toUS

les objets qui nous frappent. Pour me renfermer dans

mon fujet, je remarquerai feulement que l'agrément

&

l'avanrage que nous trOuvons dans un

• pareil commerce, foit a faire part de nos iMes aux autres hommes, foit

a

joindre les leurs

aux notres, doit nous porter

el

reíferrer de plus en plus les liens de la fociété commencée ,

&

a

la rendre la plus utile pour nous qu'il efr poflible. Mais chaque membre de la íociété

cherchant ainfi a augmenter pour lui-meme l'utilité qu'il en retire,

&

ayant a combattre dans

chacun des autres un empreífement égal au fien , tous ne peuvent avoir la metne part aux

avantages, quoique tous y ayent le meme droit. Un droit fi légltime efr done bientot en–

freint par ce droit barbare d'inégalité, appellé loi du plus fort, dont l'ufage femble nous con–

fondre avec les animaux,

&

dont il efr pourrant fi diflicile de ne pas abu{er. Ainú la force,

donnée par la nature a certains hommes,

&

qu'ils ne devroient fans doure employer qu'au

fotitien

&

a la proteélion des foibles, efr au contraire l'origine de l'oppreilion de ces der–

niers. Mais plus l'oppreilion efr violente, plus ils la fou{frent impatiemment, parce qu'ils

fentent que rien de raifonnable n'a dti les y aífujettir. De-la la notion de l'injufre,

&

par

conféquent du bien

&

du mal moral, dont tant de Philofophes om cherché le principe ,

&

que le cri de la nature, qui retentit dans tout homme , fait entendre chez les Peuples meme

les plus fauvages. Dela auili cette loi natureIle que nous trouvons au dedans de nous , fource

des l:>remieres lois que les hommes om dti former: fans le {ecours meme de ces lois elle efr

quelquefois aífez forte, finon pour anéantir l'oppreffion, au moins pour la contenir dans

certaines bornes: C'efr ainfi que le mal que nous éprouvons par les vices de nos femblables,

produit en nous la connoiífance réfléchie des vertus oppofées

a

ces vices; connoiífance pré–

cieufe, dont une union

&

une égaüté parfaites nous auroient peut-etre privés.

Par l'idée acquife du jufre

&

de 1'injufre,

&

conféquemment de la nacure m.orale des

aEtions, nous fommes naturellement amenés

a

examiner quel efr en nous le príncipe qui

agit, ou ce qui efr la meme chofe, la fubfrance qui veut

&

qui

con~oit.

Il ne faur pas

ap~

profondir béaucoup la nature de notre corps

&

1'idée que nous en avons, pour reconnoltre

qu'il ne fauroit erre cette fubfrance , puiíque les propriétés que nous obfervons da

1S

la

Tome

I.

A

ij