AS S
enificence. Ce pays étoit arrofé par plu!ieurs grands
fteu ves , dont les plus con!idérables éroient le Tigre,
ainfi nommé
a
caufe du grand nombre de tigres qui
infeél:oient frs bords; le Lycus
&
le
Caprus, connus
aujourd'hui fous
le
nom des deux Zabes. On y trou–
voit un lac qu'on croit etre l'Averne; fes eaux étoient
fi
rnéurtrieres , que l'oifeau ou l'animal qui en bu–
voient,
&
qui refpiroient les vapeurs qu'elles· exha–
loient, tomboient morts fur le champ.
L'hiftoire des rois
d'Af!jrie
n'eft qu'un tiífu de fa–
bles révoltantes, ra!Temblées gar Ctefias, qui a été
copié par tous les écrivains poftérieurs. Tom y pa–
roít en contradiél:ion avec ce qui eíl: configné dans nos
annales facrées, qui feroient des guides fUrs pour l'hi–
ftoire orientale , fi elles ne s'étoient pas prefque bor–
nées aux faits relatifs au peuple de Dieu; ainfi l'on
eft obligé de fuivre Ctefias, qui a plutót écrit ce qui
écoit cru que ce qui étoit arrivé.
Ninus, qu'on fuppofe avoir été
le
premier roi
d'Af
[y.ríe'
pourroit n'etre qu'un heros fabuleux' creé par
l'imagination des Grecs, qui trouvoient dans le nom
d'une villi:, celui de fon fondatcur; ainfi de Ni ni ve
ils purent tirer celui de N inus. Les traits, dont ils
ernbdlilfent fon hifto ire, montrent qu'ils ont réalifé un
fantóme ; ils difen t que N inns fot le premicr qui at–
tenta
a
l'indépendance des peupks; qui' jnfqu'alors ,
. n'avoient point eu de guerres
a
foutenir; ils ajoutent
qu'1l craignit d'etre arreté dans
fes expéditions par
les Arabes, qui étoient les plns bell iqueux de la terre:
tout eft contradiétion dans ce récit. S'il
e{l:
vrai que
ce fut la premiere guerre qne les hommes eurent
a
fou tenir , comment les Arabes pouvoien t-ils avoi r
1,a
répmation d'un peu plt bdl iqueux ? C'eft encore
a
ce
prince qu'on attribne la fondation de N inive
&
de:
B:ibylone; mais comment, dans des tems fi voifins de
la nai!Tance du monde, pouvoi t-on ralfembler un mil–
l1or¡ d'habitans dans une méme enceinte ? c'eft ÍU I?po–
fer que les
ca~agnes
étoient peup lées de nombreu x
cultivateurs , pou r fourn ir aux befoins de cene pro- '
digieufe muhitude ; c'eíl: fuppofer que les arts qni ont
befoin d u fecours de l'expérience
&
du tems , parvin–
rent fubitement
a
leur dern ier dégré de perfeétion. Les
fupe rbes monu rnens qui embell irent ces de l1x villes ,
les
rafi nernens d'un luxe délicat
&
recherché , intro–
duits dans la cour du monarque
&
des grands , fo ñt
amane de
témoignages des erreurs ou des impoíl:ures
s prt miers écri vai ns.
On dit que ce prince , dévoré de . l'ambition des
conq uétes , fe mit
a
la tete de fept ctns mille hom–
mes de
p1~d,
&
de deux cens mille chevaux: il avoit
encore dix mille chariots armés. Ce fut avec cette
mulcitude qu'il
fii
une irruptiol\ dans le royaume de
Babylone, rempli de villes riches
&
peuplées , dont
il
lit
Ja conquéte, enfu1te il fubj ugna l'A rrrénie , la
Baéhiane, la Médi e,
&
tout le ¡xiys
fitu é entre le
Nil,
&
le
T ana'is : ce qu'il y a dt plus furprenant,
c'eft que les rois ,
fes ennemis , lui oppofoien t des
millions de combattans. L'imagination la plus
fécon~
de ne pwt conrevoir que dans un tems ou
la terre
manquoit d'habitans , on ait pu ralfembler des ar-,
rnées fi nombreufes ; les hommes indoc iles
&
féroces
auroient-ils renoncé
a
leurs foyers ,
a
leurs frm mes ,
a
lcurs enfans ' pour aller chercher
a
l'extrémi té du
globe, des richefles qu'ils trouvoient fou s leurs mains ?
Les fociétés alors étoient peu nombreu fes; l'aurori-té
des rois éto!t trop bornée pour ratfembler fo us le me–
me drapean,
tant d'hommes diíperfés
&
fatisfaits
des produél:ions de leur fol. Comment faire fu b!iíler
des arrnées fi nombreufes ? Les routes n'étoien t point
frayées; les montagnes
&
les bois oppofoient des barrie–
res par-tout renai lfantes; les champs étoient incu ltes
&
ftéri les ; la navigation , encore dans fon enfance ,
n'olfroit poi nt le moyen de trnnfporter les produétions
d'une terre féconde dans les pays arides ; ain fi
tou–
tes ces armées
&
ces ex péditions font antan t de fa–
bles , qui , comme•l'ivraye , croiJrent dans les champs
de l'hiftoire.
A
'
r
s~
-
s. sf-
1 ,
6
2
3
pres 1a mort,
em1ram1s
ut p acee fur le tró-
ne ; cette princelfe' , que la fupériorité de fes talens
faie corn pter parmi les plus grands hommes, fo t ame–
née captive d'Afcalon, ou elle étoit née
a
)a cour de
Nin ive ; le roi N inus , frappé de l'éclat de fa beamé ,
la
lit
entrer dans fon lir ; il en cut un
fil s done il
lui confia elól mourant la turelle : cette prÍnceJre en–
noblit fon féxe, én fe montrant digne de. comman–
der
a
des hommes. Occupée du bonheur de ,fes fujets,
elle ouvrie aux provinces une commun ication récipro–
que, en bacilfaht fur le T igre
&
l'Euphrate, plu–
firn rs villes dom la magnifi cence
immortaliferen t
fa
mémoire. Apres avoir alfu ré le bonheur de fes fuj ets ,
elle fu ccomba
a
la tentation d'etre comptée parmi les
conq uérans : fes expéditions militai res paroilfent fa bu–
leu fes , dn rnoins on a droit de révoquer en doute
le nombre d'hornmes qu'el le employa contre les Me–
des
&
les lndiens. On alfure , fans pudeur , que fon
armée étoit compofée de trois millions d'hommes de
pied , d'un mill ion de cavaliers , de cent mille cha–
riots armes de fa ulx,
&
de troi
cens mille hommes
pour les condu ire,
&
pour dilférens ufages. L'ambi–
tion de regnn la rend it injufte envers fon fils Ni nias,
a
qui elle refo fa de rememe le fceprre, dont e.lle ·
n'étoit que la dépofitaire. Ce fils dénaturé arma la
mai n d'un eunuque pour lui oter la vie; on,
répan–
die qu'elle avoit été tranfportée au ciel fous la fo rme
d'une colombe: cene fa ble trouva beaucoup d'incré–
dules; ain fi N inias pour fe juíl:ifier, pnblia qu 'elle
avoit voulu
l'engager
a
commem e U!J
inceíle
avcc
elle ; le fcan dalc:: de fa vie accré<l iea ce bru it ;
O{l
l'a~
voit vue dans les plaines de Médie , s'abandonner
a
la bnHalité de l'offic ier
&
du fo ldat.
Les différenees couleurs , dont l'hiftoire peint cette
reine célebre , pronvent qu'il y en a eu plufie urs dont
on a confondu les traits ; de- la vic::nt ce melange de
grandeur
&
de foiblelfe , de mceurs
&
de dtbanches ,
dont l'alliance eíl: impoffible ; quoi qu'il en foit , Sé–
miramis aprt s fa mort re\:Ut les honneurs de l'apo–
tl;iéofe: elle fot adorée dans la Palefti ne, ou elle avoit
pris nai lfance ,
&
dans
l'Aj!Jrie ,
qu'elle avoi c rendue ,
heureufe par fes bienfai ts. Elle étoit repréfi:n tée. fous
)a forme d'une colombe, fymbole de
!ª
lub! ic,i té ; l,es
peuples d'Afca lon regardoieot comme des fac rileges
ceux qui tuoient un pigeon , ou qui mangeoiel) t de
fa
chai r. Ses ftatues étoient fans ornement; elle ét,oie
repréfentée dans
fa
nud iré
&
fes oheveux épars
:¡
~e
défordre pouvoit bien etre
LIOF.
image de
fa
vie
li-
centieufe.
-
'
'
Ninias, fils d'une mere qui réun ilfoie les
1
ta.lens:
& •
le courage des grands homrnes, ne, porta fur Je tróne
que les foiblelfcs qui font meme la cenfure des
fel]1-
mes. Les rois , j ufqu'alors
gardé~
par l'amour
.dt;
leurs
fujets' avoient relfernblé
a
des
p~res ~u
milieu ele leu r
famille. N inias introdu ifit l'ufage , de
te
fai re garder ,
par des hommes armés , qúi ft mblent annoncer aux
rois que tous les citoyens fon t leurs ennernis. Ce prin–
ce trop effémín é pour avoir de l'at;nbi tion , fe renfcr–
ma dans l'ombre de fon palais , ou a!Toupi dans les
molles volu ptés , il ne vivoit qu'avec fes fernmes
&
fes concubines , dpnt il avoi t les fo iblelfcs;
&
ce fue
en fe rendar1t invifi ble
a
fes peuples , qu'il crut
fe
dérober an mép ris public.
,
Trente
gén~rations
s'écoulerent, fans qu'il parC1t un
roi digne de !'erre: leurs noms , comme leurs aétions ,
font tombés dans l'oubl i. Ce; vu ide qu i fe trouve dans
l'hiftoire d'
Affyric ,
a fai t prffumer
a
de j ud icieux cri–
tiques, qne cet empire n'eut pl us de rois apres Ni–
nias : leurs conjeétures on t
tou~es
les couleurs eje la
vraifemblance ; on ne voit parmi ces rois aucun lé–
oiílateur, aucnn ambitieux. Comment, pendant dou ze
~ens
ans , cet état auroit-il pu fub!i fter fans •troubks
domeftiques , fans guerres étrangeres
'!
Commene
t~ne
de rois tribntaires au roient-ils éré fi Jong-tems
.docile~
au joug impofé par Bdus
&
Sémiramis ? S'il a _éprouve
les fecouffrs
&
les agitations qui ébranlent les autrcs