Table of Contents Table of Contents
Previous Page  45 / 902 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 45 / 902 Next Page
Page Background

ABO

Dont les doigts i11égaux

,

mai; to111 1'onds

&

11w1u1

;

Jmite11t l'embo11point .des /;ras /ongs

&

charnus.

L'art de peindre en poélie, eíl: l'¡¡rt de toucher avec

~fprit

;

&

l'abondance

confiíl:e alors

a

faire beaucoup

avec peu, c'eíl:- a-dire,

a

donner

a

l'imagination , par

quelques rraits légérement j ettés , de quoi s'exercer

elle-mem.~.

.

.Voyez dans trois vers de Virgi le, comme Vénus

!!íl:

p einte en chaífereífe.

·

Namque humeris de more ha/;ilem fufpenderat arcum

//

enatrix

,

dederatque comam diffundere vmtis

,

Nuda gmu , nudofque jinus cotloBa fluentes.

L'abo11dance

·du/ íl:yle a lieu non feulement dans la

poélie defcriptive , mais dans l'exprdiion des fenti–

mens ou l'aH".e fe répand , dans les réllexions

0\1

elle

fe

repole. V.irgile ,

&

Rac ine fon rival, en ont mille

cxemples.

C'eft une précieufe

abondance

que celle qui, réun1é

avec la préc ilion, dont on la croiroit ennernie, raf–

frmblc dans le plus petit efpace taus les traits d'un

riche tableau, có:nme dans ces vers d'Horace, qu'on

ne rrad uira·jamais:

~10

pimts ingens , a/baque populus

Umbram hofpitalem confaciare amant

R amis

;

&

obliquo laboral

L)'mpha

fuga.~

trepidare rivo.

Un noyveau ch arme de l'

abondance

,

c'eíl: l'air de

négligence

&

de Jimpliciré dans celui qui prodigue

les ri cheífes du íl:yle, avec celles Ju génie. Cette rare

félicité ,

Íl

j'ofe m'exprirner ainfi, regne dans

Je

ftyl¡:

de

La Foncaine

&

dans cduj d'Ovjde; mais

l'abon–

dance ,

d'O vide va jufqu'au luxe. Des diJfére;1tes faces

fous kíq uelles Ovide préfente une penfée , ou des nuan–

.ces vari ées qu'il démek dans un fenriment, chacun¡:

pl airoit,

fi

elle éroi t feu le: mais la foule en ell: fa–

tigan te ;

&

a

cóté

de

la richeífe on

apper~oit

e,nfiP.

l'épuiíement.

,

L a poélie A llemande furabonde en

d~tails

dans les

_peintures phyliques; la pot' (ie l talienne , dans l'ana–

lyfe des feotimens, donne fo u vent dans

le

méme exces.

La paffion donhe lieu

a

l'abondance

du ll:yle dans

les .momens ou !'ame le, détend,

&

lt:

foulage par des

plainres :

Les foibles déplaijirs s'am11fent

¡¡

parler,

Mais lorfqu e le

c~u r

eíl: faií1 de

d~uleur,

enflé

d'orgueil ou

~e colen~,

la préci (ion

&

l'énergie en

font l'expreOion naturdle.

ll

arri ve cependant quel–

quefois q ue

l'abondance

conrribue

a

l'énergie , comme

dans ces vers de D idon:

.'led mihi -ve/ teftus optem prius im11. dehifcat,

fl

el pater onmipotens adigat me fulmine ad umbras,

Pal/entes umbras Erebi, noftemque proftmdam,

Ante

pud~r

quam le violo

,

aut tua jura refalvo.

On voit la une femme qui fent fa foib leífe ,

&

qui

tachant de s'affermir par un nouveau ferment , le fait

le plus inv iolable

&

le plus effrayan t qu'il lui ell: pof–

fible: ainli

c~tte

redondance de íl:ylc,

Pallen/es umbras Erebi , no&lemque profundam,

dl: l'expreffion tres-naturelle de la·¡:rainte qu'elle a de

manquer

a

fa

foi.

~iand

le

caraél:ere de celui qui parle efl: auíl:ere

~ . grave ,

l'expreffion doir étre pleine, forte

&

pré–

c1le .• Fernand Cortes,

a

fon retour d u Mexique , re–

b ute par

le~

min i!lres ,de Philippe

Il,

&

n'ayant pu

a ~procher

de lui, fe préfente fur fon palfage

&

lui

d1t :

Je m'appelle Fernand Cortes; i'ni co11q11is

plru

de

'

. .

ABO

31

Jtrns

ii

v~tn

mniefté

,

qu'elle

11'

en a hérité de !'empereur

Charles-f!¿tJinl fon pere,

&

je meurs .de faim.

Voila de

l'éloquence.

L'entreticn de Catan

&

de Bnm1s dans la Ph ar–

fale, frroit fublio1c: 'il n'étoit pas diJfus. Lucain éro¡t

j eune;

&

l'ambirion d'un jeunc homme

e(l:

d'étonner

.en renchériífan t fur lui-méme. Le comble de l'art ell:

de· s'arréter ou s'arréreroit la nature. Virgile

&

Ra–

.cine font des modeles de cette fobrié té ; Homere

&

Corneille n'ont pas ce mérite.

P ar-tout ou la philofophie ell: fufceptible

de

l'élo–

quence, elle pero1et au íl:yle une

abonda11ce

ménagée.

Voyez Plurarque exprimant le délire

&

les anooiífes

de l'homme fuperll:i tieµx .

P

;V

oyez rl ans l'

Hijloire Naturelle

toutes les ri cheífes

.de ·la fangue, employées

a

décrire la beauté du p aon

&

la: ffrociré du tigre.

Le genre oratoire

e!l:

celui ou les richelfes du ílyle

peu vent· fe

r~pandre

le ¡ilus abondamment;

&

c'cll:-la

fur tout qoe l'on voit des exemples d'une

1tbondanfe

vicieuie : il n'.y a peut -étre pas un ora¡eur qui foic

exempt

tle

ce reproche.

Le

b~rre¡¡u

mpderne, ou, en d épi t de la raifon

&

de l'équiré, l'éloquence paffionnée ,veut dominer com –

me

dans la tril;>une, rere11tir de déclamations; c'eíl: un

d ébordement de paroles, auquel il fero it bien

a

fou–

h aiter qu'on put meme une <l igue. Comment déméler

Ja

vériré dans le cahos des plaidoiries

?

Combien de

fois les juges ne pourroien t- ils pas dire aux avocats ,

ce que k s

La~édémoniens

difoienr

a

cen ain haran–

g ueur prolixe :

Nous avons oublié le commmcement de ta

harangue, 1e ·q11i eft caufa que n'a)'ant pas compris lt mi–

Jieu

,

llOllS /IC

faurions répondre

a

fa

ji11.

C'eíl: .:ncore pis , s'il

dl:

poffible , pour l'éloquencc

de la chaire. L' ufage de parler une heure fur un foj et

ll:érile ou

fimpl~;

la méthode itablie de divifer, de

fubdivifer, de prouver ce qui ell: évident, ou d'ex–

pl iquer ce qui eíl: ineffable ; d'analyfer, d'ampl ifier ce

.qui demanderoit, pour frapper les efprits , des tou–

ches

fo~res

&

de grand s era irs : vóíla ce qui ne Jaic

que trop fouvént de l'éloquence de la chai re un babil

dont la volubdité noi¡s_ érou rdi t,

&

doM la monoro-

11ie nous endorr.

,

Il

efl: cercain que les gra ndes vérítés morales

&

re–

ligieufe~ ,

dont la ch aire doit retentir, exige ntfquelque–

fois des dévéloppemens ;

&

c'eíl:-la que le ll:y le doit

employer fon

abo11dance ,

mais avec l'économie que le

~out ~

la raifon prefcrivent.

:Le Jage

efl

ménager du tems

&

des pnroles

,

fur-tollt lorfqu'il occupe tout un peuple alfembíé.

Ecoutez M affillqn, p arlan t de la rolérance religieu fe:

,, L'éolife n'oppofa jamais au x perfécmions que la

,,

pari~nce

&

la fermeré ; la foi fu t

le

feu l glaive avec

,, lequel elle vainquit les tyrans. Ce ne for pas en

,, repandan t .Je fang de fes ennemis qu'elle mu ltiplia

,, fes diíci ples , le tang de fes marryrs rom fcul

fue

la .·

,, fernen ce des fideles . Ses premiers doéteurs ne forent

,, pas envoyés dans l'univers comrne des lions , pour

,, porter par-rout le meurrre

&

le

carnage , mais com–

" me des agneaux, pom ttrt eux-mémes égorgés. lis

,, prouveren c, non en combattant , rnais en rnourant

,, pour la foi , ia vérité de kur miffion ,, .

Ecoutez

le

meme , prechanr la bienfa ifance

a

un

jeune roí; ,, To ute cette vaine mon tre qui vous

~n" vi ron ne , luí dit-i l , eíl: pour les autres ; ce pla1fir

,, ( le plaifir de fai re du bien ) cíl: pour vous feul :

,, tom le rdl:e a fes arnertumes , ce plailir feul les

,, adoucit tomes.

La

joie de faire du bien eíl: rout

,, autrement douce

&

touchante que la joie de

le

re–

" ce voir: revenez-y encare; c'eíl: un plaifir qui

~e

,, s' ufe point : plus on le goCi re, plus on fe rend. ?1:

one de

le

goúrer. On s'accomu rne

a

fa

profpcme

,, propre,

&

on

y

deviene infenlible ; mais

.º?

fent

roújou rs la joie d'étre l'auteur de la profpénce d'au–

"

trui

,, .