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i9o

A L L

ph1s vivement aff'efté , parce qu'on voit iotuitivement

ce qus: le difcoms oe moncre qu'a l'e11 te1idement, ou

tout au pl us a l'imaginaüon, qui n'dl: al) )( frns, que

eomme l'ombre e!t au corps. M ais !i ,

a

cet avantage,

Je

tableau réunit encore une perfeét ion i,ntrinfeq ue ,

fon eft'et l'emportera de beaucoup fur toute l'énergie

de la poéíle ,

&

l'on aura atteint

le

plus grand but

q ue l'art puifo fe propofer.

Q.l,t'il nous foir permis de fai re ici une remarque,

fur laquelle on ne fauroit tro p in!iíl:er. C'eíl: un grand

abas en matiere de peinture , que jufqu'a préfent on

exalte généralement beaucoup plus la beauté d\t pin–

~eau,

que celle de l'i nvention; c'cft préférer les mo•

yens

a

la fi n, La

pl~part

des connoi!feurs reífemblent

a

l'avare qui met

fa

fül id té

a

póíféder un moyen dont

il o'a aucun deffein de faíre ufage. L ' heureufe inven·

tion d'une

'1llégorie

in téreífante, doit donner plus de

prix

a

un tableau 'que ne luí en donneroit le pin–

ceau du T itien meme, s'il n'étoit accompagné d'au–

c; un autre mérite. M

a.is

cette carriere n'eil: ou.vene qu'aux

génies du

p remi~r

ordre

¡

prn d'artiftes

y

ont réuffi ;

c;'eft la panie foib!J;, des deffin atcurs modernes , c'eíl;

a u(fi' celle des amatem s. O n continue d'adm irer les

c;hétives inventlons d'Qno-Ve ni\15 ; il delli noit bien ;

mais fes emblernes d'H orace fon t p itoyables ,

&

quel–

q ues- u¡is méme ·puériles.

On peuc dif\-i nguer trols' fortes de tableaux allégori –

q ues , felon la narnre du. fu.jet. qui eft ou ph y/lque '·

ou moral, ou hiltoriq ne. L es fai foos , les parties du

jour , les trais. regnes de la

na tu~e,

la nature elle-me–

me , appartiennent

a

la prerniere claífe. · D e tels ta·

bleaux repréfenteni; allégoriq uement q uelques-unes des

principales propriétés de l'objet. Ce fon t des p!Jiimes

peines, dont le fujet efr pris de la natu re viúble ,

&

entremclé d'objets pathétiques·

&

rnoraux. Un bd exem–

ple

a

¡rroduire en ce genre , feroit le plafoo d du cha–

reau de R einsberg , ou Pefne a repréfenté

le

jour naif–

fan t,

,

comrne ce célebre artiíle fe

le

propofoit , il

avoit fa it graver ce tablern.

.

L a fe conde clalfe contient les repréfentations de vé•.

rités générales ,

&.

de maximes relaLives aux mre.urs.

De ce g.rnre d l: cette p ierre gra1<ée

ü

connue , qui

r.epréfente l'amour

a

cbeval fu r un tigr6· ou fur un lion,

p.our exprimér que cette pafüon adbucit les ca.raftc–

res les plus farouches. L e cableau de

·Ja

calomnie •·

dont nous avons déja parlé, eft plus déraillé ;

il

fa it

fen úr par divers traits marqués toute la laideur de ce

vice. Ces tableaux ne diffrrent de

l'al!égorie

du difcou1,s,

qu'en ce . q u'ils difent irnmédiatement aux yeux ce

qu'a l'aide des mots ' le difcours dit

a

l' irnagi nation.

1.'obfe rvation amibuée a Pythagore, que lorlg u' un

état a joui qud que tecns d' une beureufe abonda nce

1

le

luxe

s'y

introduit infen fi lllement , puis

le

dégout ,

enfuice des exoes monftr ueux , & enfi n la ruine to–

t a'le

~

cette uhfenzation eíl: un tableau tou r fait. Le

p ei'ncre n'a qu'a le portcr de l' imagination für la to'ile.

La rroifieme clalfe enfi n nmferme les repréfentations

h iftoriques , fo it qu'elles indiq uent fi mplement les fa irs,

ce q ui confti tue

l'<1llégorie

hi!loriquc la µJu s commune;

tellc qu'on la

voit

for

tant

de médailles antiques

&

modernes ; foit qu'dles circoriftarrc ient les événemens :

ce qui conftirue

l'aliégorie

fublime du genn: hiftori que,

telle qu'on l'admin:: daos les tableauic de le Brun , ou

les grandes aélions de L ouis X IV. fon t repréfentées.

· C'eft le point le plus haut

&

le

pl us diffi cilc de

l' art ; il n' y a que des peintres d u premier rang , qu i

pu i!fent

y

atteindre. Déja dans les arts de la parole ,

r.jen n'eft plus diffici le q ue de fai!ir un événement mé–

morable , ou une gra nde aélion p ar fon coté le pl us·

faillant, pour l'énoncer en une feu le période de ma–

n iere que de ce poin t de ·vue principal on puifü: dé–

couvrir tous les <létails

a

la fois.

Pou r réufii r daos ce genre, il faut non-feulement

favoi r ,

a

l'exemple de l'orateur , concentrer une mu l–

ti rude de chofes en un pctit efpace , il faut encore

avoir J'art de

le

re dre bien vilible,

&

c'

efr.Ja

ce q ui

ALL

rend

fi

rares

res

allégories

excellentes cians ce gcnre,

La repréfenration allégorique d' un événemeiit ne ren–

ferme propremen t rien d'hiil:orique ; car c'eft moins

le

fait qu'clle doit préfentt r, qu' une remarque impar.

tanre

&

féconde en appl ication fo r le fa it ·; de ces re.

marques telles qu'un grand hiílorien pourroit les faire

pour montrer un événement fous un point de vue qui

frappe, comme quand T acire dit :

breveJ

&

infauflos

poputi roma_11i amorN. .!1nn'1/; JI.

42.

Le but d'un cableau

attégorique n'eff nullem<nt de tranfmettre l'hiftoire

a

la poftérité, il

y

a des moyens plus !imples, & plus

fUrs de remplir cet objet ; fon but eft de mettre les

f.a its dans le point de vue le plus éclatant :

~e

qui n'eíl:

rien moins que facile. Il faut pour cet etfet que l'hi–

ftoire qu'on a en vue faic tres-connue,

&

que de plus

elle renferme ou par les deífeins qui. l'ont fai t naitre,

ou par les circonftances qui l'ont accompagnée , on

par les fuites qui en -ont réfulté, quelque chofe de

généralement mélnorable ; c'eíl: cette généralité qui fait

propreruent l'e!fence de

l'allégcrie.

11

y

a, danS' la ga.lerie de Ouffeldorf, un taDleau de

R aphael qui repréfente unjeun_e homme dans un boc–

cage épais , ams auµres d'une fource d'ou il a puifé

de l'eau dans une cóupe qu'il tit:nt élevant foi

a

la

main. Jufques-la ce tableau eíl: puren\ent hiftorique,

&

C'eft aum tQUt Ce qu'un peintre oriJinaÍre pourroit

expritu'er méme av-ec

le

eoloris du T itien. Mais Ra–

phael a

fu

do'nner a cene figure -unique des penfées

fi

haures , un recueillement

fub lime a la vue de cette

coupe d'eau, qu'on reeonnoit daos ce jeune homme

Jean Baptiíl:e occupé clans le défert

a

réfiéchir fur

fa

vocatioñ div ine ,

&

qo'on croit enfüite entendre fes

p rofondes méditations fur le bapteme. Voila ce qui

üent déja a la ha1,1te

altégorie.

Q uiconque ne fa it pein–

dre qlle des corps. ne duit pas l'entreprendre,

EU-t-i~

pour ci:laque idée par);ieuliere l'image la plus exaéte ,

il ne donnmiit Q\J'Un hiérnglyphe eieri lntelligible,

mais·

po~nt

une

allégorie:

<i::ellt:-ci 1úxprime pas la lec–

tre , ma1s l'éfpm de la: ehoíe.

· L e

pr~mier

foin de l'arri'íle (era done de áécouvrir

l'ame dans

le

inarériel d'un événement qu'il vem allé–

gorifet; & fon fecond foi n doit erre de la rendre

vi–

fible, Ainü

le

tabléau aHégoriq ue des eonquetes d'A–

lexandre ne repréfenteroit pas des expéditions mi litai–

rcs , ni des

baniHle~;

il exprimeroit ou l'e noble ddi r

de venger for un monaré¡ ue enivré de fa pui(fance ,

les injures d'un peuple li bre ; ou l'ambition effrénéc

&

fes funeftes fuites , dans un prince qui unir les plus

grands talens a un pouvóir a!fez coníid&ra,ble : ou en–

fi n quelqu'autre penle<; de cette nature qui nous pla–

~t

d'abord daos le point de vue convena ble. Quand

l'arciíle au ra trollllé l'e{prit' de fon hiíl:oire, il ne luí

fera pas difficile d'inventer les carafteres propres

a

mar–

q uer le fai t. II eft aifé

de

fai re conho1tre les temps ,

les lieux

&

les perfonn ages.

S'il c:ft vrai , corilme les anciens l'ont rapporté ,

qu' A riílides ai t pu daos une feule figure exprimer par–

fü itrn1ent le caraélére des Athéniens , caraél:ere

fin–

guliéremen t contrafté ; pourq uoi ne pourrions-nous

pas attendre de l'art

perfeél:ionn~,

des tableaux vrai–

ment allégm iques? Tels feroient par exemplc , l'in–

fluence d u rérabli!fement des Sciences fllr les íJlreurs;

la ,décou.verte .de l'Amérique figurée par quelques-uns

de plus 1mportans elfets q u'elle a produi ts, &c.

A pres avoir vu la narnre de

l'allégwie ,

fes cliverfes

efpeces

&

fon p ri x , il nous reíle

a

fai n: quelques re–

marq ues fur Ion invéntion

&

fe s ufages.

L a perftél:ion de

l'allégorie

dépend en g rande partie

de l'heureufe invemion des images particulieres. U ne

colleél::on des meilléures images allégoriques aftnelle–

ment inventées , feroit d'1m grand fecou rs aux

arciíle~,

elle éroit accompag'née d' une critiq ue fai ne

&

judi–

cieufe. W inckelman a commencé ce recueil , mais on

n'¡¡ point d'ouvrage encore qui développe des príncipes

lumineux fu r l' in vention de ces images. Nous allons

donner quelques obfervacions q ui pourront arder

a

cet–

te recherche,