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188·

ALL

&

plus ptofo"d.

·~oi

de plus· beau , par exemple,

fJUe d'avoir fait de Cérc!s l'invc:ntrice des loix ? Quoi

de

plus fage <lans les rnceur$ des Spartiates, que de

facrifier

a

V

énus armée?

~1oique

l'alligorie

femble ctre une

fa~on

de s'cxpri.

1'Jtr artificielle

&

recherchée, cependanr elle

eft

u(icée

meme

chez les fauvages. Quand ceux de l'Orénoque

veulent témoigner

a

un étranger que fon arrivée leur

c!l agréable, le

ch~f

luí dit dans

la

harango;¡e, qu'il

a

vu paffer la veille fur

fa

cabane, un oikau rernar–

quable par la beauté de

fes coukurs ; ou qu'il

a

fon gé la nuit que les fruir& de la rerre péri!foitnt par

Ja ffrl1ereíle,

&

qu'il e!l: furvenu une pluie abondancc:

qui les a ranimés.

·

_

Ríen de plus naturel, en

cffh,

chez tous les peu–

ples

&

da11s toutes les langues , que d'emprunter ainfi

les couleurs des chofes fenfiblcs , pour cxprimer par

an alogic , des idées qui, fans cela , íeroient vagues,

foib les, confufes. Ce qui ne fe peint point

a

l'imagi–

narion échappc aifément

a

l'efprir.

/loye;r.

lMAGE,

S11ppl•.

( M.

M ARMONTEL. )

ALLÉ G01t1~,

(

P'elnture.)

Les arts du deffin ne peu–

vent, par leur nature, repréfentct en fair d'obj<ts que:

des individus ,

&

en fait d'événemens, q rn: ce q ui peut

a.rriver 3-la-fo is· dans un frul iníl:ant. Mais

a

l'aide de

l'alligorie,

ce qµi étoit impoffible ne l'dl pks. Des no–

t ion> générales font expri.nées par un objet iridivid ud,

&

une: íuire d'événemens fe préfente 3-la-fois.

L'a//(go·

1'ie

di:

done de la plus grande: importance dañs la ptin–

ture;

&

ce n'cíl: q ue par fon t<:cours que cer art pt ut

.aueind re

~u

plus haut dégré d'énergie.

11

y

a cepen–

<l~nt

des amateurs qui mont•enc une averfion décidée

pour les tabkaúx allégoriques,

&

il faut

avou~r

que

fa plupart de ces tablcaux ne juíl:ifient que trop bien

ce

dégoút des amateurs. Tantóc

ces

tableaux fo nc un

compofé de figures arbicrai res, plus hiérogly phiques

q~1'allégoriques,

fan s elprir

&

fans force;

tantót ils

fo nt

{i

énigmatiques, qu'on fe fati g ue

i nucilemc:n~

pour

eo deviñer le kns. Mais tout

cda

ne prouve autre

chofe ,

fi

ce n'dl que ele mai1vaifes

allégories

fo nt dé–

tdra bles. Si le peintre étoit éclairé

&

dirigé par des

connoiffeurs de la nature

&

des anciquice> , il íeroit

ai!e de pomr ce genrr

a

un plus hdut dégré de per–

feél:ion. ·La macien: dl affez inrérdfamc: puur mériter

les ¡echerches les plus ex aél:es.

L'allégorie

confilte ici dans la

repréíentación d'uoe

idée générale, au muyen d'un fa it parciculia. Un ta–

bleau qui repréfrnte un aél:e de jurtice ou de bien–

fai fance, n'eíl: que le tableau hiíl:orique d'un cas indi–

vidue[; c'dl le langage propre

&

naturcl des arts cju

deffin:

rnais

reprélcnter

rn

géneral la jufüce ou la

bien fai fance pár leurs atcributs naturcls , c'dl compo–

íer une

allégorie.

El1e ne fe borne pas fi·nplemenc aux

notions, el le s'écenJ encere

a

des penfées entieres , qui

réuniífent di\•erfrs notions

il

un íeul tour; elle exp rime

des vérités gén rales ,

&

dcv;ent un langage réel. La

différence eílentidle entre la langue peinte

&

la lan–

g ue parlée, con !ilte daos

ks

fi;,;nes ; ils font arbicrai–

res dans cd k -ci

&

narurels dans l'autre. Nos langues

ne íont in tc:lligi bles qu'a cru" q ui

fe fo nt fait eníei–

gner la fignifi car1on des cermes ; mais

l'a/f¿gorie

doit

fo

fai re encendre fan s autrc in

O

ruél:ion : c'dt une lan–

g ue un iverfdle '

a

la portée de tout homme qui ré–

flechi t.

11

ne faut pas confondre le

langage allégorique,

avec cette efpece d'h1éroglyphes done les fig ures íonc

des lignes

d~

limpie convcnrio1 ,

&

qui,

a

cec égard ,

rdfemb lc au langage commun . Cecee dift inc1ion eíl: <l'au–

tdn t plus nécclfai re , que <les connoiffeurs rnerne

s'y

trompent fo uvent. R ichardfon, par exemple , <lans

fa

Defcrip1ion des tablea11x ( Tome l

H.

Par

f .

I, pqge

50 ) ,

nommc une bd le

alligorfr ,

certai n 1ablea u

<l'

Auguíl:!n

Carrache , qu t n'ell ricn moins 4u'une

allégorie;

c'eft

un hiéroglyphe , un rébus , un

limpk jeu

de

mocs.

Le tableau repréfrnte

le

d~e u

P4n vaincu par l'Amour ;

pour c-xprimer

cctr<)

propofition générak;

l'dm~ur

tri,111-

ALL

pP~ d~

totlt.

Tcutc l'invention de Carril.c he róule fur

l'.i!qu ivo4ue clu mot

Pan,

qui en grcc

fi gnifie

IDilf.

De fels hiéroglyphes n'appartiennent pas

a

l'allégorie.

Ceprndant, pour nous rapprocher de l'ufage re1=u,

&

peut-erre auffi pour céder un peu

a

la néceflicé'

nous ne prendrons pas les termes

a

la rigueur. Plu.

fieurs imagcs hiéroglyphiques íont depuis

li

long.tcms ·

rangées dans

la

clalfc: des

allégories,

qu'on

.)es

croit

riellcrnent. allégoriques. La figure d'une femme arméc:

qui tient une lance

&

un bouclier,

&

qui a un hibou

f11r fon cafque, n'e(l point

le

figne naturel de la

fa.

geffe ;

ce

n'c:íl: done point une véritablc

allégorie:

elle

~ll:

neanmoins adoptée comme

telle depuiJ un tcms

H)1mémorial. Pluíieurs fignes purement hiéroglyphiques,

que nous tenons de l'antiquité, pafferont tofljours pour

de vérirablcs images allégoriques, parce que, accou–

tumés

a

les voir des l'enfancc, nous les prenons c:n

dfet pour des lignes naturcls de ce qu'ils cxprimenc.

- Avant d'al ler 'plus loin, il faut remarquer ici une:

différence cncre les ares de

Ja

parole

&

CCllX

du deí–

fin , par rapport au but dans Jeque!

ils cmploient

l'ailigorie;

d'ou ii réfultera q\]e

la peincure peut fe

p~rm

ttrc:

quelqucs libertés qu'on n'accorderoic pas

a

la poélie ou

a

l'éloquence. Rien n'empéche que dans

le difcours on ne fe frrve du terme proprc; il ne faut

done s'c::n écarcer, que loríqu'il y a un avantag: mar–

q pé

a

y

fubíl:itucr une txpreffion figuréc:

e

di:

memc

un défaut dans le difcoms de r.-courir au langage al–

légorique, des qu'il ne rencbérit point fur l'dfh du

1<1ngage ordinaire.

Jl

n'eo eíl: pas ainfi dans

la pein.

ture. Les ares du ddiin n'ont po1nt de langage affeété

au x nocions généralcs: il do1t done

leur erre perrnis

d.e

fe

fervir de

l'ol!igorie

'

iors meme qu'tlle n·ajou te

rn:n

a

1.

force de l'expreffi'on'

&

qu'clle ne dit que

e~

que le langage ord1naire pourroic également dire.

Qu and, par excmple , on voit fur ·une ancienne mé–

d.iille , l'cmpire R.imain r ,Prefrn;é fous la figure d'unc

perfonne tombée par cnre, que Vd pzfien releve,

il

d l_clai r q ue cecee

allégorie

ne di t préc1 fé.nent,

&

n'ex–

pnme qu'avec le me

ne

dégré de fo rce ce q ue le lan–

gage ordinain: eut rendo tout limpbnent:

Vefpajien

a

ritabli

l'

empire, qui étoit tombé

m

décadence faus fes pri·

d(cejfa11rs.

Mais il faut i.::i tenir compre au ddfinateur

d'un mérite qui n'en feroit pa · un puur l'orateur. A tn!i,

ce qu i dans

le

difcours

ne

fcroit m eare 4ue le lan–

gage ord inaire, eíl: -d¿j :i une

allégorie

perm ife dans la

pc:i nture.

11

eft vrai

n~a n moi ns

q ue' meme dans

ks

arts du deffin, pour qu'u nc

alligorie

rnérite µn e atcen–

tion diíl:ing uée , ce n'dt pas affez qu'el k exprime in–

teliigiblernent une notion génfrak, elle doit encere la

rendre

avec

beauté

&

avrc énergie.

Examinons

prélenccrn~nt

L·s

divers genres

d'a/légories.

On

peut, d'apres leur fign ificac ion, les ré<luire

a

deux

efpc:ces, l'une, que nous nommcrons'

images alllgoriq11es,

n'exprime qu'un objet tndivilible, une nocion, une

propriété ' un etre

incorporel ;

l'autre' qu'on peut

nommcr

repréfentation allégorique,

réu ni t plulieurs de ce&

objc:rs , pour cxpri mer une aétion , un événement, ou

une cornbinai íon d'idécs. D'aprtls la maniere de s'énon.

cer,

l'allégorie

eíl: encore de deux efpeces ; !' une em–

prunce imrnediaremcnt fes

images de la naturc , com–

me loríq u'on déligne l'amour du travai l par la fi gure

d \ rne· abeille ; c'dl: l'emblcme : l'autre invente tes ima–

ges en

couc

ou en partie ,

&

cetce dernier<! efpece eft

l'al/igorie

prop remenc ai nfi nommée.

Confidfro ns d'abord

les

images allrgoriq ues , foit qu'

on s'y fi:rve d'emblémes ou

d'al!t'gorfrs.

L 'efpece la pl us

cornmune ell celle qui ne produir d'aurre d fe t, que

cd ui

do

rendre la pentee incell igible. E lle ne fair que

e~

que frroit un terme e1npru 11 té clu larin, lorfque

ce

tcrme manque dans notre langue. L a figure d'u ne frm·

me

q ui pone une couronne fermée fu r

fa

teet: ,

&

un

manteau parfemé de lys for fes épaules , ne die , pllí

ncmple , rien de plus que ce que rrnfermc

le mot

l ·rai1a.

Q utlqucfois cene

alléggrie

défigne irnmédiace–

mcnt le

nom

de la

chofe , comme la grencuille

&

le

lézm l