Table of Contents Table of Contents
Previous Page  107 / 902 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 107 / 902 Next Page
Page Background

ACA

bre ici , tout comme en morale

&

dans la fociété :

o_n ne _renconcre de tomes parts q lle gens

a

préten–

t10ns ; 11 s'ag1t de les caraétérifer ,

& ,

pour ain li dire,

de les nuancer.

La premiere nuance, mais fi obfcure qu'elle ne

mérite pas d'arreter long-temps nos regards, c'eft celle

qu'olfrent des gens qui n'ont que la teinture d'une

feule

f~ience,

&

qui croicnt

y

primer ,

y

exceller.

Cette 11Jufion

eíl:

rare dans les foiences exaétes, telks

que la Géométrie,

&

toutes fes dépendances , mais elle

eft commune dans les autres fciences, telles que la M éta–

phyfique , la Mora

le ,

le D roit naturel, la Politiq lle: tollt

fo urmille de gens qui s'an·noncent

&

s'affichent pour

favoi r le fin, fi j'ofe m'exprimer ain fi,

&

avoi r le fecret

de ces íCienccs, candis qu'ils ne

fon~

qu'y balbutier.

Ne les ri rons pas davanrage de Jeur obícurité,

&

·confidérons ceux qui poífedent en effet une fcience ,

&

y ont méme pris un

vol

auffi élevé qll'elle le per–

met. La hauteur de ce

vol

leur fait quelquefois rour–

ner la tete,

&

alors iJs, donnent aifément dans l'une

ou l'autre de ces deux chimeres; c'eíl: de croíre leur

fcíence uniq ue ou de la croire uníverfelle. lis croien t

leur fcience unique, lorfq ue toutes les autres s'appe- '

t iffent

&

s'anéantiífent prefque

a

leu rs yeux. A quoi

bon les ípécul.ations du métaphyficien, dit le géome–

rre? A quoi bon les calculs du géométre, dit

le

mé–

taphyfiden?

&

ainíi des alllres. lis croient leur fc ience

univerfelle, lorfqu'en admettant la réalité , l'utilité des

autres fciences, ils veulent les fubordonner a celle qu'ils

p rofrffen t ' dont les principes fo nt' a leur av is , pri–

m itifs

&

irrffolubles. Cep.endant iJ n'y a qLJ'u ne fcien-·

ce premiere , c'efl: l'Ontologie;

&

quiconq ue mécon–

noit fes droirs, eut-il réfolu les plus irnporrans pro–

blemes des plus haLJtes fciences, n'eíl: qu'un dem i–

favant; il n'eíl: fur-tout qu'un _demi-philofophe, ou

poa r rnieux dire il n'dl: point philofophe , puif–

q a'on ne l'eíl: pas , en tant q u'on s'eíl: app róprié les

connoiífances qui font du reífort de la Ph ilofophie,

mais en tant qu'on a cet efpri t philofophic;¡ue, qui eíl:

pour le

vrai

fava nt ce qu'eíl: l'a rc de la Taél:ique pou r

u n grand général. Cependant il n'eft poinc du tout

furprenan t qu'un homme qlli s'eíl: dévoLJé

a

une fcien–

ce, qui en a fait fon fe ul objet pendanr toute

fa

vie,

en ait la pllls haute idée, la regarde comme un ique,

ocr comme univcrfelle: c'eíl:

la

une des foibloffes les

plus natu relles

a

l'homme. On a bien vu

a

P aris un

maitre

a

danf\:r, le fameux M arce! qui parloit de

fo ñ

art comme s'il donnoir· le bran le

a

la foci écé,

a

l'état;

&

pour peu qu'on l'eut fac hé, il aurpit peut-fare

ajoucé ·aux planetes,

a

tdutes ]es fpheres.

·

L es nuanct:s précédentes ne font que

p~tiales ;

en

· voici une générale , dom inante , qui don ne a ce fiecle

Je ron de cou

leu~·

auq uel

il

eíl: reconn oiffable,

&

le

demeurera probablement aux yeux ·des fiecler-

a

venir.

• On a ime

a

l'appeller

le

jiecle de la philofophie :

fans

nier

eniiéreme.nt

l'affertion , je l'appelkrois volontiers

le jiecle du demi-favoir .

11 s'ag it de jufl:ifier

ce

que j'ofe

avancer'

&

c'eíl:

a

quoi je vais rravai lkr.

La premiere révolurion opérée dans l'efpric bumain,

on l'a vu , a été de lui fa ire fecouer le j oug du faux

lavoir· : DeTcarces , Newton, Leibn itz , les

académies ;

voila· les. iníl:rumens de cette révolu tion . Et j e ne puis

rn'empec her de remarquer qu'aucun ou vrage n'a peut–

et~e

été plus efficace

a

cet égard ; que cette partie·des

M émoires de

l'académie

des Sciences de Paris , qui

. porte le nom

d'Hijloire ,

&

que M . de F óntenelk a

fai te pend ant un demi-fiecle d'une maniere qui doit

Jui mériter une reconnoiffance immortelle de la part

de nos derniers neveux. C'étoit-la la bonne rouce ; il

falloit y reíl:er : on auroit été bien loin. M ais elle étoit

trop fimple

&

crop férieufe pour fi xer tous ceux qu'on

invitoic

a

y marcher,

&

fur-tollt la nation volage aux

yeux de laq udle on la trai;oi c.

D eux fecours prétendus par lefquels on vouloit

étendrt:

&

faciliter les études , v inrent plutót en dé–

courner,

&

égarerent les hommes dans routet forces

ACA

d

{i •

d

1

93

e

ent1er~,

_on t es uns ne menent au but qúe par

de longs c1rcu1ts,

&

les aucres

y

font en tiérement tour–

ner le dos. Je parle des journaux

&

des diétlonnai–

res. Je fl'eA fera i pas l'hiíl:oi re qLJi remp liroit des vo–

lurnes. J e n'en con teíl:enri pas les avantages,

a

les

prendre dans la fi mplic ité de leu r oria ine

&

daos les

limites de__leu r deíl:ination. Mais ,

bo~

Dieu

!

a quoi

ces prem1ers commencemens n'ont-ils pas conduit?

Une compara ifon exprirnera ce que je peníe. Q_uelqu'un

fou hai ce de !a pluie pour arrofer fon cb amp; un nua–

ge fe forme , groffit '

&

en crevan t au-deffus , le fob–

rnerge. Voila préc ifémcnt l'cffet du déluge des deux

fortes de produét ions que nous venons de nommer.

Cepend ant ,

&

c'eíl: ce q ui les a rant mu ltip liées ,

rien n'.égale l'avidiré avec laquelle elles ont été

re~l1es ;

&

qt.1oiqu'elles fouffrent aétuel lement q uelque difcré–

d1t ,

JI

fe

paffe peu d'aónées

oi\

l'on n'rn voie éclorre

de nou velles. D 'ou.,vient cette vog ue? De l'efpérance

qu'on a con\:Oe <le devenir favans par ces Jeéhires ,

fans effuyer la .long ueur

&

la féchereífe des études pro–

prement di tes. Aulli

le .

favoi r a-t- il germé

&

pullulé

de touces parts. Mais que! favo ir

!

Li fc:z les écrits qui

ont paru depuis le commencement de ce íiecle, ou

pour ne· pas vou s demaoder l'impoffible , lifez-en feu–

lement les titres ;

&

vous verrez q u'a u lieu d'un peti r

nombre de fav ans , qui feroient le fel de la terre, cetre

.terre eíl: couverte de -légions innombrables de demi–

f~avans

qui ne fo>nt pas feulement dignes d 'en étre ap–

pellés le fumiú; matiere certainement bien plus pré–

cieu fe que tous leurs écrics. Tout regorge d'effais ,

d'examens, de recherches, de differcacions

&

de trai –

tés; les prcífes gémiífent , le papier enchérit,

&

le

fpvoir diminue en raifon de ces progres : il eíl: relé–

g ué daos les

cabin~ts

de quelques adeptes , qui ne s'em–

prelfenr pas

a

le produi re au grand jour, connoiffanr

&

méprifant la frivolité du fiecle.

Je ne pu is ta,ire ici une chofe trop vraie , ce me

femble , pour que perfonnc:· de cebx qui penkn t fage–

ment , puiffent la défavotler, ou me "b!amer de l'avoir

dice.

11

eíl: facheux que des hommes <le la plus grande .

célébrité '

&

qui .ont a bien des égards illuíl:ré les

remps

&

les Jie\!lx

oi\

ils oot vécu, préfrrent au ton

de la décence celui d'une plaifanterie dont on

e{l:

a la

fi n excédé ,

&

qui donne le . plus fouvent dans le bas ,

dans le trivi al. Se jou:mt égalemen t de rous h!s fujets ,

ne mettant aucune d ilférence entre les plus importans

&

lt:s plus Jégers,

OU

plUtÓt fe-· plaifant a noyer par •

p référence les p rem iers dans des flots de ridicule, ils

. introduifent un genre de b ürlefque ' qtii'

a

ce que

j'efpere , fera une fin auffi ignominieufe que celui du

.fiecle pairé. On diíl:inguera les chefs-d'reuvre de ces

é~rivains

de leurs prod uétions manquées ; ou bien , .au

Jieu que de femblables écarts étoient autrefois fuppor–

tés; quand on pouvoit les intitu ler

.']t111Jeni/ia

, .on fon.

dera l'indulgence pour eux fur Je titre de

Sé11i!ia.

Mais , en actendanc , voici le mal défolanc qui en

réfulte. C'eíl: qu'il y a une fou le de fubalcernes , de

vérirables gouj ats, qui , vm1lant fe mettre au ton de

ceux qu'ils prennent pour leurs chefs

&

leurs mode–

les, barbouillent, falilfen t, infeEtent Je papier d'inuti–

lités , d'indécences , d'horreurs. A la vue de ce bou–

leverfemenc des loix, de cette dépravation des marnrs ,

qlii

dé~honorent

la république des lettres , ne feroi c-ce

peine le cas de dire comme l' un de ceux qui y ont

fi guré avec Je plus d

1

éclat:

vive

l'ignorance

!

qu'elle

rctv ienne : ou allons la retrouver parmi

les

fauvages.

P oi nt <lu

ro.ut

: ne nous jettons pas d'une excrémité

dans une autre. Vive feulement, yive le bon eípric

&

la faine philofophie ! M ai s·ou les rencontrer ? Q.9i nous

les procurera ? Je pourrois faire ici pl us d'une ré–

p onfe ; mais je fui s borné par l'énoncé de mon fujet

a

charger les

académies

de cetce fonél:ion. 11 ne reíte

q u'a fai re voir q u'elles doi vent s'en acquircer ,

&

com–

ment elles peuvent

le

faire.

Elles doivent s'en acq uitter. L es plus fages d'entre

les anciens philofophes ont été appellés les

ap&tres de