L'UTOPIE
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nos insulaires offrent
a
l'élection de ceux qui les
demandent pour chefs les meilleures garanties de
prohité politique. L'Utopien ne se laissera pas
corrompre par l'appat de la fortune, quelque bril–
lante qu'elle puisse etre ; hientot elle ne lui ser–
virait
a
rien, puisqu'il doit retourner dans sa patrie
sous peu d'années ou de mois ; il ne fléchira pas
non plus par amour ou par haine, puisqu'il est
completement inconnu
a
ses administrés. Malheur
au pays ou l'avarice et les affections privées siegent
sur le hanc du magistrat
!
c'en est fait de la jus–
tice, ce plus ferme ressort des États.
»
La répuhlique utopienne reconnalt pour
alliés
les peuples
qui
viennent lui demander des chefs,
et pour
amis
ceux
qui
lui doivent un hienfait.
Pour ce
qui
est des traités, que les autres nations
contractent si souvent, pour les rompre et les
renouer ensuite, elle n'en fait jamais aucun.
»
A quoi servent les traités
?
disen:t les Utopiens.
Est-ce que
la
nature n'a pas
uni
l'homme
a
l'homme
par des liens assez indissoluhles
?
Celui
qui
mé–
prise cette alliance intime et sacrée se fera-t-il
scrupule de violer un protocole
?
»
Ce
qui
les confirme dans cette opinion, c'est
que,_dans les terres de ce nouveau monde, il est
rare que les conventions entre princes soient ohser–
vées de honne foi.
»
En Europe, et principalement dans les contrées
ou regnent
la
foi et la religion du Christ,
la
majesté
des traités est partout sainte et inviolable. Cela
vient en partie de la justice et _de la honté des
monarques, en partie de la crainte. et du respect
que leur inspirent les souverains pontifes. Car les
papes ne s'engagent
a
rien qu'ils n'exécutent
religieusement ; aussi, ohligent-ils les autres souve-