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L'UTOPIE

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croi~

plus noble et plus estimable, parce qu'il est

couvert d'une laine plus fine, laine coupée sur le

dos d'un mouton, et que cet animal a portée le

premier. Ils s'étonnent que l'or, inutile de sa nature,

ait acquis une valeur factice tellement considé–

rahle, qu'il soit beaucoup plus estimé que l'homme ;

quoique l'homme seul lui ait donné cette valeur,

et le fasse servir

a

ses usages, suivant son caprice.

)) 11s s'étonnent aussi qu'un riche,

a

intelligence

de plomh, stupide comme la buche, également sot

et immoral, tienne sous sa dépendance une foule

d'hommes sages et vertueux, parce que la fortune

lui a ahandonné quelques piles d'écus. Cependant,

disent-ils, la fortune peut le trahir ; et la loi (qui

aussi bien que

la

fortune précipite souvent du faite

dans la houe) peut lui arracher son argent et le

faire passer aux mains du plus ignoble fripon de

ses valets. Alors, ce meme riche se trouvera tres

heureux de passer lui aussi, en compagnie de son

argent et comme par-dessus le marché, au service

de son ancien valet.

»

11 est une autre folie que les Utopiens détestent

encore plus, et qu'ils

con~oivent

a

peine ; c'est la

folie de ceux qui rendent des honneurs presque

divins

a

un homme, parce qu'il est riche, sans etre

néanmoins ni ses débiteurs

ni

ses obligés. Les in–

sensés savent bien pourtant quelle est la sordide

avarice de ces Crésus égoistes ; ils savent bien qu'ils

n'auront jamais un sou de tous leurs trésors.

>>

Nos insulaires puisent de pareils sentiments,

partie dans l'étude des lettres, partie dans l'édu–

cation qu'ils

re~oivent

au sein

d~une

répuhlique

dont les institutions sont formellement opposées

a

tous nos genres d'extravagance. 11 est vrai qu'un

fort petit nombre est affranchi des travaux maté·