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' I

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LYR

en roulant entre !es pierres qui le couvrent.

0

tor–

rent , qu e viens-tu me dire? tu m'apportes le fou–

venir du pa!fe. Les enfans de Finga l etoient fo r ton

rivage comme une foret clans un terrein fertile;_ils

eroie'nt perc;:ans' !es fers de leurs lances

!

celm- la

etoit audacieux qui fe prefen_toit

a

leu r colere !

Fillan le grartd etoit ici; tu etois ici, O fcur, o mon

fils ! Fingal lui-meme etoit ici, puilfant

&

fort, avec

les cheveux blancs de la vieillefi'e : il s'affermiifoit

for fes reins nerveux'

&

il etaloit fes larges epaules :

malheur a celui qui rencontro1t fon bras clans la ba–

taille. Le fils de Morny arriva, Gaul, le plus robufle

des hommes : il s'arreta fur la montagne, femblable

a un chene;

fa

voix etoit comme le fon des torrens ;

ii cria :

p ourquoi LefiLs du puif!ant Corval Vetlt-iLregner

Jeul ? Fingal n'ejl pas a.ffez. fort pour difendreJon peu–

pLe

,

&

pour en ltre Le foutien : j e fu is fort comme La

tempeee fur L'ocean, comme L'ouragan fur Les monta–

gnes : cede , fiLs de CorvaL

&

ftichis

d~iiant

moi.

II

defcendit de la,montagne comme un rocher; ii reten–

tifi'oit clans fes armes.

Ofcur s'avanc;:a

&

s'arreta pour l'at tendre; Ofcur,

mon fils, vouloit rencontrer l'ennemi; mais Fingal

vine clans fa fo re((,

&

fourit aux menaces infult antes

de Gaul : ils s'ela ncerent l'un cont-re l'autre, fe pref–

ferent clans leurs bras nerveux

&

lutterent clans la

plaine ; la terre etoit fillonn ee par leurs talons ; le

bruit de leurs OS etoit femb!able a ce!ui d'un vailfeau

ballotte par !es vagues clans la tempete : leur combat

fut long'·ils tomber.ect avec la nuit fur la plaine re–

tenti{fante, co mme deux chenes tombent en entre–

Iac;:ant leurs braf.iches

&

en ebranlant la montagne :

le _robufl:e fils de ·Morny ell: terraffe , le vieillard eft

vamqueur.

Belle , avec fes trelfes d'or, fon col poli,

&

fon

fein de neige , belle comme !es efprits des monrngnes

quand ils effieu rent clans leur courfe la forfac e d'une

pmy ere paifible pendant le filenc'e de la nuit; belle

co'mme !'arc des cieux, la jeune Minva ne arrive :

Fingal, dit-elle, avec douceur , rends -moi mon

frere, rends-moi l'efperance de ma race, la terreur

de tout, excepte de Finga l. Puis-je refufer, <lit le

roi, ce que demande l'aimable fille des montagnes ?

emporte ton fre re , o Minvane, plus belle que la

neige du no rd

!

relies furent tes paroles, o Fingal !

helas ! je n'entends plus !es paroles de 'mon pere :

prive de la vue, je fuis appuye for fon tombeau,:

j'entends le fiffiement des vents clans la foret ·'

&

je

n'entends plus la voix de mes amis : le cri du chaf–

feur a ceffe,

&

la voix de la guerre ne retentit plus

autour de moi '"

.

Voila !'ode hero!que de ces peuples fauvages;

&

voici leur ode amoureufe : c'eft une fille qui attend

fon amant.

" II eft nuit,

&

je fuis feule; abandonnee fur la

colllne des orages. Le vent fouffie fur la montagne ;

le torrent gemit au bas de ce rocher; aucune cabane

ne m'offre un afyle contre la pluie: je fois abandon-

nee fur la colline des orages.

.

Leve-toi , o lune ! fors du fein de tes nuages.

Etoiles de la nuit, paroilfez : quelque lumiere ne

me

guidera-t-~,Ue

pas ve rs le lieu oli repofe mon

aman~,

fatigue des travaux de la chalfe , fon arc

detendu a fes cotes,

&

fe~

chiens haletans autour

de Jui ?... je fuis obligee de m'arreter ici fe ule , fur

le roch er conv ert de moulfe qui horde ce ruilfeau.

J

'entends !es murmures du vent

&

des floes; mais je

n'entends point la voix demon aman t

!

Pourqupi ne viens-tu p0int,

o

mon Shalgar !

pourquoi le fils de la colline tarde-t-ii a remplir

fa

promeffe? voici l'arbre, le rocher, le rui.ifeau mur–

murant. Tu m'avois promis d'etre ici avant la nuit.. .

ah !

0\1

eft alle mon Shalgar ! pour toi j'ai quitte la

rnaifon demon pere; je voulois fuir avec toi. Nos

families Ont ete long.terns ennemi es ; mais Shalgar

&

moi n.o us ne fommes point enne1{iis.

0

vent! ceffe un moment; rnilfeau ! fufpen ds un

inil:ant ton murmure. Que ma voix

(e

fa{fe emendre

fur

I~

bruyere ; qu'elle frap pe !es oreilles du chalfeur

que i'attends. Shalgar ! c'efl: mol qu i t'appelle; voici

l'arbre

&

le roch er. Shalgar] o mon amant ! me voici:

pourquoi tardes-tu

a

paroitre ? helas ! rien ne me

rcpond. '

Enfin la lune paroit , Jes eaux brille,rit clans la

v

all.ee

; Jes rochers font grifat res fur la furface de la

collme , mais je ne le vois point fur le fommet; fes

chiens, en le devanc;ant , ne m'an noncen r point

fa

prefe nce : reft erai-j e done ici folitaire·

&

aban-

donnee-?

.

Mais quels ·objets appen;ois-je couches devant

· moi for la bruyere ? .. . feroit-ce mon amant

&

mon

frere ? ... parlez-moi ' mes amis... helas ! ils ne re–

pondent point! la cra ime glace mon cceur.. . . ah,ils

font morts ! leurs epees font teintes de fang.

0

mon

frere, mon frere ! pourquoi as-tu cue monShalgar ! ...

pourquoi, o Shalgar ! ·as-tu tue mon frere ! .vous

m'etiez fi chers l'un

&

l'autre ! que dirai-je pour

ce·

lebrer votre memoire !

tu

etois bealJ fur la colline

clans la foule de tes compagnons; ii etoit terrilile

clans le combat. . •. parlez-moi, ecoutez nia voix ,

enfans de ma tendre!fe... mais helas ! ils

fe

taifent

pour toujours; le froid habite clans leur fein. •

0

vous ! ombres des morts ! faites-vous entend re

du hall! de ce rocher, du fommet de la montagne des

v ents; p;i rlez,

&

je ne fera i point effrayee.... ot1

etes-vous all ees vous repofer? clans qu elle caverne

de la colline vous trouverai-j e? mais le vent ne

m'apporte point de reponfe ; je ne difl:ingue point

clans !es orages de la colline !es fons foibles de la

voix des morts .

Je vais m'alfeoir ici clans ma donleur; j'attendrai

le mat in clans Jes larmes. Elevez un tombeau ,

o

vous, amis des morrs

1

! mais ne le fermez pas qVant

que j'arrive. Je fens ma vie s'echapper de moi com–

me un fonge, pourquoi refl:erois-je apres mes amis!

il vaut mieux qu e je repofe avec eux fu r le bord de

ce ruilfea u. Quand la nuit defce ndra fur la colline ,

quand le vent foufilera for la bruyere, mon ombre

s'alfeoira fur Jes nuages

&

deplorera la mort de ;nes

amis. Le chalfeur ecolllera du fond de fa crlbane ; ii

craindra ma voix, mais il l'aimera, parce que ma

voix fera douce pour mes amis' car ils etoiert.t chers

a

mon cceur "· .

'

Si telle etoit !'eloquence des Bardes , ii ne faut

pas s'etonner qn'un tyran !es

ef1t

fair detruire : le

courage

&

!'elevation d'ame qne ces poetes infpi–

roient aux peuples, s'accordoient ma! avec le proj er

qu'il avoit de Jes alfervir; ce trait <l e prudence

&

d'atrocite d'Edoua rd premier, fa it le fujet d'u ne ode

de Gray, la plus belle peut-etre done I'Angleterre fe

glorifie ,

{1>l

clans laqnelle faifant parler un Barde

' echappe an gLaive, le poete femble inTpire par le

genie d'Offian . \

J'ai dit que !'on trouvoit le grand carafrere de

!'ode antique clans !es poefies des

Hebre~1x,

parce

que l'enrhoufiafme en eft fincere,

&

que l'objet en

eft ferie ux

&

fob lime: ce n'eft point un jen de !'ima–

gination gt!e !es canti ques de Moyfe

&

que ceux de

David; ils chantoient l'un

&

l'autre avec irne verve

q ue !'on appelleroit

genie,

fi

ce n'etoit pas l'infpira–

tion meme de l'efprit divin. C'eft cette infpiration

&

!es elans rapides qu'e lie donnoit

a

leur ame' qne

les poetes allemands ont imites de nos jonrs; ils

fe

font efforces de ployer leur langue aux formules des

vers latins,

&

de la cadencerfor Jes memes nombres:

leur oreille en eft fatisfaite;

&

c'eft un plaifir qu'an–

cune nation n'a

d~oit

de leur difputer. Mais le vague