' I
822
LYR
en roulant entre !es pierres qui le couvrent.
0
tor–
rent , qu e viens-tu me dire? tu m'apportes le fou–
venir du pa!fe. Les enfans de Finga l etoient fo r ton
rivage comme une foret clans un terrein fertile;_ils
eroie'nt perc;:ans' !es fers de leurs lances
!
celm- la
etoit audacieux qui fe prefen_toit
a
leu r colere !
Fillan le grartd etoit ici; tu etois ici, O fcur, o mon
fils ! Fingal lui-meme etoit ici, puilfant
&
fort, avec
les cheveux blancs de la vieillefi'e : il s'affermiifoit
for fes reins nerveux'
&
il etaloit fes larges epaules :
malheur a celui qui rencontro1t fon bras clans la ba–
taille. Le fils de Morny arriva, Gaul, le plus robufle
des hommes : il s'arreta fur la montagne, femblable
a un chene;
fa
voix etoit comme le fon des torrens ;
ii cria :
p ourquoi LefiLs du puif!ant Corval Vetlt-iLregner
Jeul ? Fingal n'ejl pas a.ffez. fort pour difendreJon peu–
pLe
,
&
pour en ltre Le foutien : j e fu is fort comme La
tempeee fur L'ocean, comme L'ouragan fur Les monta–
gnes : cede , fiLs de CorvaL
&
ftichis
d~iiant
moi.
II
defcendit de la,montagne comme un rocher; ii reten–
tifi'oit clans fes armes.
Ofcur s'avanc;:a
&
s'arreta pour l'at tendre; Ofcur,
mon fils, vouloit rencontrer l'ennemi; mais Fingal
vine clans fa fo re((,
&
fourit aux menaces infult antes
de Gaul : ils s'ela ncerent l'un cont-re l'autre, fe pref–
ferent clans leurs bras nerveux
&
lutterent clans la
plaine ; la terre etoit fillonn ee par leurs talons ; le
bruit de leurs OS etoit femb!able a ce!ui d'un vailfeau
ballotte par !es vagues clans la tempete : leur combat
fut long'·ils tomber.ect avec la nuit fur la plaine re–
tenti{fante, co mme deux chenes tombent en entre–
Iac;:ant leurs braf.iches
&
en ebranlant la montagne :
le _robufl:e fils de ·Morny ell: terraffe , le vieillard eft
vamqueur.
Belle , avec fes trelfes d'or, fon col poli,
&
fon
fein de neige , belle comme !es efprits des monrngnes
quand ils effieu rent clans leur courfe la forfac e d'une
pmy ere paifible pendant le filenc'e de la nuit; belle
co'mme !'arc des cieux, la jeune Minva ne arrive :
Fingal, dit-elle, avec douceur , rends -moi mon
frere, rends-moi l'efperance de ma race, la terreur
de tout, excepte de Finga l. Puis-je refufer, <lit le
roi, ce que demande l'aimable fille des montagnes ?
emporte ton fre re , o Minvane, plus belle que la
neige du no rd
!
relies furent tes paroles, o Fingal !
helas ! je n'entends plus !es paroles de 'mon pere :
prive de la vue, je fuis appuye for fon tombeau,:
j'entends le fiffiement des vents clans la foret ·'
&
je
n'entends plus la voix de mes amis : le cri du chaf–
feur a ceffe,
&
la voix de la guerre ne retentit plus
autour de moi '"
.
Voila !'ode hero!que de ces peuples fauvages;
&
voici leur ode amoureufe : c'eft une fille qui attend
fon amant.
" II eft nuit,
&
je fuis feule; abandonnee fur la
colllne des orages. Le vent fouffie fur la montagne ;
le torrent gemit au bas de ce rocher; aucune cabane
ne m'offre un afyle contre la pluie: je fois abandon-
nee fur la colline des orages.
.
Leve-toi , o lune ! fors du fein de tes nuages.
Etoiles de la nuit, paroilfez : quelque lumiere ne
me
guidera-t-~,Ue
pas ve rs le lieu oli repofe mon
aman~,
fatigue des travaux de la chalfe , fon arc
detendu a fes cotes,
&
fe~
chiens haletans autour
de Jui ?... je fuis obligee de m'arreter ici fe ule , fur
le roch er conv ert de moulfe qui horde ce ruilfeau.
J
'entends !es murmures du vent
&
des floes; mais je
n'entends point la voix demon aman t
!
Pourqupi ne viens-tu p0int,
o
mon Shalgar !
pourquoi le fils de la colline tarde-t-ii a remplir
fa
promeffe? voici l'arbre, le rocher, le rui.ifeau mur–
murant. Tu m'avois promis d'etre ici avant la nuit.. .
ah !
0\1
eft alle mon Shalgar ! pour toi j'ai quitte la
rnaifon demon pere; je voulois fuir avec toi. Nos
families Ont ete long.terns ennemi es ; mais Shalgar
&
moi n.o us ne fommes point enne1{iis.
0
vent! ceffe un moment; rnilfeau ! fufpen ds un
inil:ant ton murmure. Que ma voix
(e
fa{fe emendre
fur
I~
bruyere ; qu'elle frap pe !es oreilles du chalfeur
que i'attends. Shalgar ! c'efl: mol qu i t'appelle; voici
l'arbre
&
le roch er. Shalgar] o mon amant ! me voici:
pourquoi tardes-tu
a
paroitre ? helas ! rien ne me
rcpond. '
Enfin la lune paroit , Jes eaux brille,rit clans la
v
all.ee; Jes rochers font grifat res fur la furface de la
collme , mais je ne le vois point fur le fommet; fes
chiens, en le devanc;ant , ne m'an noncen r point
fa
prefe nce : reft erai-j e done ici folitaire·
&
aban-
donnee-?
.
Mais quels ·objets appen;ois-je couches devant
· moi for la bruyere ? .. . feroit-ce mon amant
&
mon
frere ? ... parlez-moi ' mes amis... helas ! ils ne re–
pondent point! la cra ime glace mon cceur.. . . ah,ils
font morts ! leurs epees font teintes de fang.
0
mon
frere, mon frere ! pourquoi as-tu cue monShalgar ! ...
pourquoi, o Shalgar ! ·as-tu tue mon frere ! .vous
m'etiez fi chers l'un
&
l'autre ! que dirai-je pour
ce·
lebrer votre memoire !
tu
etois bealJ fur la colline
clans la foule de tes compagnons; ii etoit terrilile
clans le combat. . •. parlez-moi, ecoutez nia voix ,
enfans de ma tendre!fe... mais helas ! ils
fe
taifent
pour toujours; le froid habite clans leur fein. •
0
vous ! ombres des morts ! faites-vous entend re
du hall! de ce rocher, du fommet de la montagne des
v ents; p;i rlez,
&
je ne fera i point effrayee.... ot1
etes-vous all ees vous repofer? clans qu elle caverne
de la colline vous trouverai-j e? mais le vent ne
m'apporte point de reponfe ; je ne difl:ingue point
clans !es orages de la colline !es fons foibles de la
voix des morts .
Je vais m'alfeoir ici clans ma donleur; j'attendrai
le mat in clans Jes larmes. Elevez un tombeau ,
o
vous, amis des morrs
1
! mais ne le fermez pas qVant
que j'arrive. Je fens ma vie s'echapper de moi com–
me un fonge, pourquoi refl:erois-je apres mes amis!
il vaut mieux qu e je repofe avec eux fu r le bord de
ce ruilfea u. Quand la nuit defce ndra fur la colline ,
quand le vent foufilera for la bruyere, mon ombre
s'alfeoira fur Jes nuages
&
deplorera la mort de ;nes
amis. Le chalfeur ecolllera du fond de fa crlbane ; ii
craindra ma voix, mais il l'aimera, parce que ma
voix fera douce pour mes amis' car ils etoiert.t chers
a
mon cceur "· .
'
Si telle etoit !'eloquence des Bardes , ii ne faut
pas s'etonner qn'un tyran !es
ef1t
fair detruire : le
courage
&
!'elevation d'ame qne ces poetes infpi–
roient aux peuples, s'accordoient ma! avec le proj er
qu'il avoit de Jes alfervir; ce trait <l e prudence
&
d'atrocite d'Edoua rd premier, fa it le fujet d'u ne ode
de Gray, la plus belle peut-etre done I'Angleterre fe
glorifie ,
{1>l
clans laqnelle faifant parler un Barde
' echappe an gLaive, le poete femble inTpire par le
genie d'Offian . \
J'ai dit que !'on trouvoit le grand carafrere de
!'ode antique clans !es poefies des
Hebre~1x,
parce
que l'enrhoufiafme en eft fincere,
&
que l'objet en
eft ferie ux
&
fob lime: ce n'eft point un jen de !'ima–
gination gt!e !es canti ques de Moyfe
&
que ceux de
David; ils chantoient l'un
&
l'autre avec irne verve
q ue !'on appelleroit
genie,
fi
ce n'etoit pas l'infpira–
tion meme de l'efprit divin. C'eft cette infpiration
&
!es elans rapides qu'e lie donnoit
a
leur ame' qne
les poetes allemands ont imites de nos jonrs; ils
fe
font efforces de ployer leur langue aux formules des
vers latins,
&
de la cadencerfor Jes memes nombres:
leur oreille en eft fatisfaite;
&
c'eft un plaifir qu'an–
cune nation n'a
d~oit
de leur difputer. Mais le vague