GRA
Quarre elifions clans ce fe ul vers. Je vois bien que
clans la quatri eme l'oreille n'entend
a
la rigueur que
pe-
& ,
comme clans cet autre exemple :
Un Jon harmonieux sy mele au bruit des eaux.
Elle n'entend qu'un equ iva len t des mots
ni moi ,
ni eux;
mais il e!l: de fai r que !es deux vers font rres–
beaux ,
&
qu'ils ne ble<fe nt en rien norre oreille ,
tandis
qu'efcarpe·&,
&
ni moi , ni eux
y
feroient in–
fupportables.
En general, je penfe que !es frequ entes elifions
de notre langue y produifent une beaute.
p ar toi meme bient6t conduite
a
l'
0 pira ,
D e qud air pen/e
-
t1£ que ta /ainte y verra
Du fpeRacie- enclianteur la pompe- lzarmonimfe.
C'efl: que l'elifion y fai t entendre
a
l'efprit quel-
q ue chofe de plus qu'a l'oreille:
&
pour en revenir
a
notre
e/carpee
&
fans bords '
au/on
lzarmonieux'
f:lc.
je
crois qu'il
y
intervient nece<fairement
&
involon·
tairement un jugement de l'ame qui en rellifie
I'
hiatus
doo r l'oreille auroit foulfe rt en tout autre cas. Ce
n'efl: point ici,
a
mon avis , une affairede fantaifie, de
pure habitude, ni de con vention; c'efl: une efpece de
fenfatio n compofee du phyfiq ue
&
de l'i ntellelluel.
' Ofe rois - je ramener
a
la que!l:ion d'oprique fur la
lune?
La
lune nous paroit plus grande lorfque nous
la voyons leve r fur !'ho rizon au- de la d'une va!l:e
campagne, apperc;ue ou jugee , que quand elle e!l:
parvenue jufqu'au meridien
&
plus pres dtt zenit'
cependant la lune fe peint clans notre ceil fous un an–
gle fenfiplement plus pe tit a !'horizon qu'au zenit.
n
n'efl point aujourd'hui d'opticien un peu philofophe
qui ne convienne !a- de<fus, avec le P. Ma lebranche,
&
du fair,
&
de la raifon que le
P.
Malebranche en
donne•, d'apres la diflance implicitement prefumee;
&
pa r fes
j ugm1ens naumls , compofes ,
&
involon–
tai"s, E/carpe
& ,
moi ni eux , pompar,
voilc't ce qui
frappe l'oreille :
efearple
&
fans bords, un /on lzarrno–
'Tlieu;r , la
pomp~
liarmonieufe ,
c'efl: ce que l'efprit y
entend. On peut di re qu 'en cette occafion, comme
en beau coup d'autres femblables, l'efprit fait allufion
a
l'oreille qui ' a fon tour
&
clans bien d'autres auffi'
ne manquera pas de donner le change
a
l'efprit.
J'avoue encore que ces
ee , ie' ue'
clans la fuite du
difcours' meme fans elifion' ne me choquent pas
t ant que bien des gens' clont l'organe e!l: pent - etre
plus delica t que le mien. Je.prends garde.que la lan–
gue grecqueabonde en ces concours de voyelles; Ho-
11ere, l'harmo nie ux Homere en e!l: plein. Or, la
langue grecque e!l:, de l'aveu des anciens
&
des ino–
d ernes, la la·ngue du monde la plus fonore
&
la plus
" do uce : done,
&c.
Ce n'efi qu'une indu llion , une
p relomption; mais !es prefomptions bien fondees va·
lent mieux que !es raifonnemens, quan9 ceux- ci_Por–
tent fur des circonfl:ances dou teufes ,
&
dont ·11 e!l:
trop di fficile d'affigner le denombrement : du re!l:e ii
ne faut que faire attention aux rrois preterits, aux
trois .foturs
&
a
cent autres nndfes de la langue grec–
que, pour fentircombie n le peuple chez qui elle s'e!l:
formee doi t avoir eu Jes organes de l'oreille
&
du
cerveau fol1 ples
&
delicats.
.
II
n'e!l: pas etonnant que l'Anglois, qui n'a ni con–
jugaifons , ni terminaifon diOinllive des verbes, ou
l'on ne <lit prefque qu e
moi aujourd'hui amour, moi
hier amour, moi demain amour,
pour
j 'aime aujour–
d'hui,
j'
aimai•hier,
j'
rzi"!er~i
dema!n.'
n'.ait point auffi
de gen res , ni de termrna1fons d1!l:mll1ves pour fes
adjetlifs feminiflS; elJe
~en.a
pas meme pour
de~•gner le pluriel de
~es
adiechfs.
quelc?nque~,
quo1-
que
(es
fubfi:antifs
a1en
1
~
LIO
P.hmei,
plzzlojopfucal :ran–
j aRions.
Seroit- ce
a
l mtelligence de leurs
a~cetres
que les Anglois doivent
e~
fair e
ho~n.eur?
R1en ne
marque mielJX au
con~ra1re
une ongme de payfans
-groffiers; on y a fupplee fans do ute par quelques
GRA
fi~nes
,yar
des
enclitiqu~s,:
ii en a pu meme quelque.
fo1~
name des commodites
&
des graces ii en na"t
tou t comme des defauts;
&
ce n'efi pas ' merveill
1
e
qu'.un peuple, devenu depuis fi recommandable ,
&
qm ne le cede
a
aucun autre clans les fciences ni clans
l~s art~
' non plus qu:en el.oquence
&
en pocfie ' ait
u.ouv~
le. n:ioyen des expliquer en
fa
langue , mais le
vice cl ong1ne y demeure empreint.
Quan t
a
la,difficulte
~'apprendre
un e.
lan~ue
'qui a
des genres, c e!l: encore a la balance des rnconveniens
&
des avantages
a
decider la qu eflion "·
( AA.)
9RANC~Y,
Grancei!'m ,
(
Glogr.
Hi.ft.)
bourg;
chateau
&
titre de comte , en Champagne, autrefois
e~ Bourgog1~e,
entre
Ch~tillo.n,.
Langres
&
Dijon;
c e!l: une .anc1enne baronme qlll a donne le nom
a
d'il–
lu!l:res fe1gneurs. Ponce de
Grancey
etoit connetable
de Bourgogne
a
la fin du x11efiecle ( 11 93 ) .
'
Eu
des de
Grancey
&
MahautdeNoyers,
fa
femme
fonderent en 1361 , une collegiale clans leur chateau':
cette maifon, tres-puiffante , poffedoit vingt-q1iatre
terres en Bourgogne, entre autres, Gemeaux Meur–
fault: elle a donne , aux
XIV
&
xve fi ecle;, deHx
evequ es
a
A
utun, diflingues par leur fa voir
&
leur
piete. L'un d'eux ; Ferry de
Grancey ,
mort en 1434,
e!l: inhume en la collegiale de Saulieu.
On conferve clans Jes archives du chateau, !'ori–
ginal du billet fuivant, ecrit de la main de Henri
IV,
avant la bataille de Fontaine- Franc;oife, au marquis
de Fervaques , comte de
Grancey,
en juin
I
5
9
5:
Fer·
vaques '
a
clieval ' l'ermemi approche ,j'ai befoin de ton
bras; j efuis H enri.
Cette courte lettre pourroir etre
mife en parallele avec celle qui nous refie
cl~
Brutus,
<lit M. le prefident Bouhier clans un de fes manufcrits.
Cette belle terre pa<fa aux Medavi de
N
ormandie ,
dont le marechal de Medavi
a
illufl:re le nom.
·
Quand Galas, general des imperiaux, fit uneirrup–
tion clans la Bourgogne en 1636 , J'armee franc;oife
futobligee en fe repliant, de paJier la riviere de Til–
let, au pont de Spoi, pres de Lux ; le comte de
Gran•
cey
qui commandoit l'arriere - garde, pour amufe r
Jes ennemis,
fit
une allion d'une valeur extraordi–
naire ; pouffe par plufieurs efcadrons de cavalerie, ii
fit
fa
retraite au pont de Spo
0
i
&
{e
vi t abandonne
de l'infa nt erie qui devoit le defendre:
a
la faveur
des haies qui le bordoient, ayant pafie ce pont ii
fe
trouva feul contre ces efcadrons: ii tua d'un fenl
coup de pifl:olet le cheval de celui qui le preffoir le
plus pres ;
&
ce cheva l etant tombe mo rt fur le poor,
Granc~y
l'epee a la main y difputa le pa!fage , fo u–
tenu d'un feul cavalier. Ce
for
un fpellacl e fingu lier
que de voir deux hommes arreter mille chevaux:
cette refillance donna le terns
a
quelques officiers
d'infanterie de ramener des moufquetaires qui tin rent
en bricle Jes ennemis jufqu'a ce qu'on eC1t fait fi ler le
bagage qu'on etoit refolu d'a bandonner.
II
renouvella
ainfi la belle allion du chevalier Bayard
&
celle
d'Horatius Cocles.
Le marech;il de
Grancey
fut bleffe plufieurs fois
&
n'a jamais ete battu quand ii a commancle en chef,
ni en France, ni en All emagne , ni en Italie.
Y oye'(_
Mercure,
janv. 168
I ,
pag. t.54.
En 1690, clans la guerre que la France dee.Iara .au
due de Savoye , le marqwis de
Grancey,
bri~ad1er
commandant l'aile droite de l'armee de Catrnat ,
trouva un marais horde de gros bataillons, foutenu
de la cavalerie Piemontoife; ii fe mit clans la boue
jufqu'au ventre,
&
palfa
appuy~
fur un
cl~
fes gens
qui fut tue en lui do.nnant la marn. Lorf9u
:I
fut ?u–
de la du marais ii cna aux foldats:
l e
vazs bien vou
Ji
j e fuis aime;
a
~es
mots chacun le fuivit
&
paffa.
ma !~
gre l'incommod ite de l'eau
&
du feu des ennem1s qm
fo
retirerent en defordre : ii n'y eut pas un feul bataiJ,
Ion oifif
&
qui ne renverfat tout 'e qui lui
etoit
Of'I
pofe. ·