Table of Contents Table of Contents
Previous Page  165 / 902 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 165 / 902 Next Page
Page Background

ACT

&

d-c la. magniñcence du -fpeél:acle' du coté de· J•ércn–

due

&

de la durée de

l'aélion,

du coté de l'abondan–

c.-e

&

de. la. variété des incidtms

&

des peintures.

D ans la tragédie, le lirn phylique du fpeélacle op–

pofe fes. limites¡ a l'elfor de l'imagination ' elle

y

eíl:

c?mme

emprifon~ée;

dans

le_ poeme.

~pique,

la pen–

foe du leéteur· s'etend au gre dll genie dti poece,

&

embralfe

tout ce qu' il peint. Mille tableaux qui fe

fuccedtnt dans les. defcriptions de Virgile,

fe

fucce–

dent auffi dans ma penfée;

&.

en ks lilant, je les vais,

Le poece épiq.lle,

a

cet égard , eíl: bien plus heu–

reuic

que

le

pofae tfagique. Cambien celui- ci ne fe

trouve- t-il · pas relforré fur le cbéatre méme le plus

vaíl:e, lorf-qu'il

fe:;

·com¡5.are

a

fon

rival • qui n'a d'au–

tres. bornes que celles. de la. nature, qu'il franchit mé–

me

quand il lui plait,

Un.

autre avantage de l'épopée fur la trag6die , c'eíl:

l'efpace de tems fiétif qu'ello peut donner

a

fon

atlion,

Dans un fpeél:acle qui ne doit du.rer que deux ou trois

heures ; c.lans une

intrigo~

, done la chaletfr doit fans

celfe allcr en croiliant, parce qu'elle a pour rnobilc–

des paffions fans relache,

&

pour obijet une -émotion.

qu'il ne faut pas. lailfer languir,

le

t~ms.

fiél:.if ne peut

guere s'étendre avec vraifemblance au-dela d'une ré–

volution du foleil, Mais le tems . de l'épopée n'a. de

bornes que

celle~

de

fon

M7ion,

narn rellement P.lus ou

mo

ins. rapide , fdon que

le

mouvemeot qui !'anime '·

e.íl:

plus

vioJen~

o.u plus doux. Voila done le oénie

du poete. épique en liberté , foit pour le

tems ,"' foit

pooc les lieux., candis. c¡ue celui du pofae cragique eíl:

a

la gene,

L a tragédie eíl: obJigée- de comrnencer dans le fort

de

l'atJio11,

&

affez pres du dénouernent, pour laií–

íer

daos l'avant- fcene tour ce qui fuppoíe de longs

intervaJles, Son rno.uvemeot. accéléré d.'aél:e en aéte ,,

c.íl:

íi cootinu ,

fi

rapidt: ; l'ioqujétude qu'elle répaod

eíl:

!i .

viv·e,

&

l'iotéret de la craime

&

de la pi cié li,

preffiint, que

Cfr

qu'on appelle 'épifodes, c'cft-a- dire,

les circonfrances

&

les moyens, de l'aél:ion., s'y. rédui–

fent preíqu'a l'éuoit bofoin' fans rien donnec

a

l'a7

grément ; au lieu que dans l

'épop.ée

,

la.

chai.ne

de

l'aélirn

étant plus longue ,.

&

l!! deffein plus ·étend\1,

les incidens que je regarae c.omme la trame du ti!fu

de la fable, peuvent l'orner,

&

l'encichic de mi ll e

coulel:Hs difffaentes. Faut- il, pour

mi:-

faire entt"ndrcc ,.

une imagc plus feofible encere

2

La tragédie

,c~!t

un

torrent qui bri(e

Oll

franchit les oofracles; l'épopée

dl:

un fleuve majct1ueux qui fuit fa pente, mais dont

la courfo vagabonde

fo

prolonge par ,mille détoors.

On voit done que la tragéd ie l'emporce fur l'épopée

p ar la rapidité, la chaleur, le pathétique de

l'atlion

;.

mais que l'épopée l'empurce fur la tragédie par la va–

riété , la richdfe , la gra ndeur

&

la majefté.

Tout fojet qui conviene a l'épopée, doit convenir·

a

la tragédie' c'eft-a -dire, étre capable d'exciter en.

nous l'i nquiétude, la terreur

&

la pitié ; car s'il n'étoit

pas alfez intérelfant pou[! la fcene,. il

le

íeroi~

bien

moi ns encore· pour le ré1=it, q_ui 11'.eíl: jamais auffi ani–

mé.

C'eíl: dans. ce fens- la. qu'A.riftote a die,. qut:

le

fond des del!lc. poemes étoic le

mC.me.

,.

Il

faut, dit–

,, il , en parlant de l'épopée , en. dreífer

la fable ,,

,, de maniere qu'elle foir dramatique,.

&

qu,'elle reo–

" forme une feule

atlion

qui foit entiere,. .Parfaite

&.

,, achevée.

Il

y

a ..

dit. il oncore, autant de. forces

,, d'épopées, qu'il y

a

d'eípeces de tragédies.;. car

,, l'épopée peut étre limpie ou impl.exe,. monale ou.

,, palhétique,,: il ajoute que ,, l'épopée a les mfanes

,, parties que Ja traoédie; car elle a fos .péripéties, fes.

reconnoiffirnces

f~s

paffions ,, , d'ot1 il conclut que

,

li

'

,. l'épop€c ne différe de la trag_édie que par on eten··

,, duc ,

&

par la forme de fes ver_s ,, :

&,

il

~n. do~ne pour exemple, d'un cote le

fuJCC

de 1Od1ífee de–

nué de fes épifodes,

&

tel qu'Homere l'eilt

con~u

?'

s'il eút voulu le mettre au thé:i.tre; áe l'autre, cellll

d'Iphigénie rn T amide , avant d'etre acoomodée au

\ héatre,

&

tel qu'il drp.endoit rl'E uripide d'eo. f.ure un

A C

'F

.15

poéimeógique, ou un poeme dramatique, a.fea

choi~.

. En fuivant

~on i~ée ~our_

la dévélopper, elfayons de

d1fpofer le ÍllJet d Iphigenie , comme Euripide l'eut

difpofé luí -

me.me

s'il en eut voulu faire un poeme

en recit,

Oreft:e couvert du fang de

fa

mere,

&

pourfuivi

¡:¡a~

les Eumenides,, cherche un refuge dans. le temple

d'

Apollon, de ce dieu qui .l'a pou!fé au crime.

11

emr

bralfe fon aucel , !'implore, lui offre un facrifice ;

&

l'oracle intére(fé lui ordonne pour expiation ,

d'alle~

enlever la !latue de Diane profanée dans la Tauride.. ,

. Oreíl:e prend congé d'Eleél:¡e : il ne veuc pas que

Ptlade le íuive; Pi lade ne veut point l'abandonner:

ce jeun.e prince quitte un pere accablé de vieillelfe

done il

dl:

l~appui

, une mere tendre dont il fait le;

délices,

&

q_ui t?us deux

l'e~couragent,

en le baignant

de larrpes, a íu1 vre un ami rnalheureux. Oreíle, pré.

[en.e

a

lcurs

adie.ux

, fe Cent déchirer le cre_ur aux noim.

de fils , de pere

&

de mere..

11

s'embarque- avec- fon ami ;.

&

u

le petit vov:aoe

d'UI yífi:

&

d'Enée efr tra.vcrfé· par tant

d'ohft:aÓJe~

qu_elles. rdfources. n'a pas id le poece pour varier

ce~

lm d'Oreíle ? Qg'on s'imagine

feulement qu'il par.–

court la mer Egée, oU. fon. pere,

&

tous les, héros: de

la Grece ont écé f1

long,. tems

le jouet des on.des ;

qu'il la parcourt

a

la vue de Scyros ,.

Oll

l'on avoit

caché le jeune Achille ; a la vue de Lemrios, ou Phi–

i.oél:ete avoit été abandonné;

a

la vue de L esbos , ou

les Grc:cs avoieot commencé de lignaler leur. vengean–

ce;

a

la. vue du. rivage de

Tro"ie,

doot

la

ce~drc;

fome encon::; qu'il a l'Hellefpont,, la Propontide

&.

l'Euxin

a.

traverícr pour arriver d'ans la. Tauride.

~d­

Je.

carriere pour

le

génie du poete

!'

·

,

Aux incidens nacurels- qui, peuvent retarder' tpur•.

a-

touc.

&

favoriltor l'encrepriíe d'Orelle ,, ajoutez l;

haine des D.ieux ennemis. du fang¡ d'Agameainon ,

I~

faveu~

des Dii::ux. qui le pr.otegent, les. (uries atta,.

chées au x pas d'0reíl:e,

&

qui vieonenc-

l~agiter

tou-

7

tes les fois. c¡u' il veut s'oublier dans. les. plaillrs.

OL\·

daos le rtpos. Tous ces. agens fornaturels, vont me.

kr

a

l'afiion

du. poeme un merveilleux. déja· fondé fui;

la vérité relative,

&

adopté par l'oei nion.

Cependant Thoas. épouv.anté par la voix. des Dieux,

q_ui lui préfage qu'un. etrangec lui

~rrachera

jle fceptrc;

&

la

vie,

Thoas. ordonne- que. tous ceux que leur

mauvais. forc ou leur mauvaü delfein ameneront. dan&

la.Tnuride ,. folent

immolé~.

for l

'a.ucel.de

O iane.

Iphi~

génie en eíl:. la precrelfe ;. elle a horreur de ces facri–

fices ;.

&

apres. avoir employé tout ce que· l'humanité

a. de plus cendre,

&

la religion de plus.

t.ol

!chant poui.–

fiécliir !'.ame dl11 tyran :· ,,.Non , lui. die - elle, Dianc;

,, n'eíl: point une divinicé fanguinaire,

&

qui le fai;

,,. mieux: que

moi ? ,,

Alors elle luí raconte, comment

deíl:inée elle-méme

a

em: immolée fur fon autel ,. elle¡

a été enlevée par cecee divinité bienfaifante.. ,,.Jugez,.

,,. conclot Iphigenie ,. li D iane feplairoit a voit: couler

,, un faog qu'elle ne demande-pas , , p.u.ifr¡_u'elle n'a pu

,,. veir répandre

Je

fang: qu'elle avoit demandé par

,,, la

voix_

meme: des oracles ,, .. Le ry,ran per!iíl:e. Oref–

te

&.

Pylade- a

bor.d

eot dans, fes états ; ils fon

t.

arretés,

conduits~

a

!~a

li.te

);

&

le·

poerne el\: terminé. par

~a

trag~die

d'

Ettri

pide

·,

dont

je

n'ai. fait jufq,u'ici que dé-

vélopper l'allant . fcene..

,

,,.

,

On voit par· cet exemple, que

1

a[/ion

de

1

epop_ee.

n'eíl:. q_Lle

l'atlion

de la

trag~die

plus étendue

&

prifc;

de pi us loirr..

.

..

Le Talfe- ne peníoit pas ainfi.

Ir

poema- erozco,

dtt-

il ,,

e

una· imitazione d'azione itlttjlre, grande e perfetla,

fp.tta• narr:ando• con altijfjmo ver/o

1

a fine di muovtr gli

animi con- la- meraviglia·,, e di giovar dilettando.,

I_L regar–

de- le merveilleux comme la fource du pathetiq_ue

~e

l'épopée ;

&

lailfant

a

la tragédie la tetreu_r

~

la p1-

tié " il réduic-

le-

poeme héro"ique

a

l'adnurat1on, ' le

plus freid. des fentiments de l'ame.

S~ il

eut mis fa theo–

rie en· pratique fon poeme n'auroit pas

_ca~.t

de

charmes. QJd que adrniration qu'infpire l'hero1frne

>